Communiqué de presse du GSsA sur le résultat de l'initiative

Vous ne le saviez pas?

Votations fédérales du 8 juin 1997

OUI à l'initiative "Pour l'interdiction d'exporter du matériel de guerre"


Parole de marchand de la mort: "Je m'en fous, moi ça me fais vivre!

Toutes les victimes des guerres lui en sont reconnaissantes...



OUI à l'interdiction du commerce de la mort !



Photo: Jean-Claude COUTAUSSE / Contact Press Images


Pour ne plus être complices de ça !



Prendre ses responsabilités...

Le vote du 8 juin sur l'initiative pour l'interdiction d'exporter du matériel de guerre va bien au-delà d'une simple décision populaire: c'est un choix de responsabilité collective.

Responsabilité d'abord vis-à-vis d'un monde que les guerres fréquentes, à Kaboul comme à Monrovia, en Ouganda comme au Kurdistan, endeuillent chaque jour.

Responsabilité ensuite vis à vis des enfants, femmes, hommes et vieillards victimes de la violence armée, blessés dans leurs chairs et leurs êtres, mutilés par les mines que les puissants ne veulent toujours pas interdire.

Responsabilité encore face à un monde qui dépense chaque jour vingt cinq fois plus pour la guerre que pour l'éducation, la santé et la prévention des conflits, et qui a dépensé l'an passé 600 milliards de dollars pour s'armer alors que quarante milliards seulement suffiraient pour permettre à tous les habitants de la planète de disposer des services de base en matière d'eau, de santé et d'éducation.

Responsabilité toujours à l'égard des populations des pays pauvres dont les conditions d'existence sont systématiquement détériorées par le détournement des richesses pour l'achat d'armes.

Responsabilité aussi vis à vis des victimes de gouvernements autoritaires, au Gautemala, au Mexique ou en Birmanie, qui recourent aux Pilatus pour bombarder et soumettre les populations civiles.

Responsables enfin, nous avons à l'être face à nos enfants à qui on est en devoir de montrer que pas tous les commerces sont licites. Pour que demain nous n'ayons pas à dire que «nous ne savions pas»!

Oui, prendre cette responsabilité...
... c'est voter "OUI" le 8 juin !


Des guerres qui tuent

Les guerres tuent: à croire la propagande, on finirait par l'oublier. Ni propres, ni chirurgicales, comme d'aucuns le prétendent, elles continuent, jour après jour, année après années, à faucher des vies humaines.

Elles restent, certes, de moindre intensité, comparées à l'holocauste atomique que l'on risquait il y a dix ans. Mais les guerres continuent de tuer. L'oublier, c'est oublier les centaines de milliers d'hommes, de femmes, d'enfants qui les subissent: sans gaz et sans chauffage à Sarajevo pendant presque mille jours; abattus d'une balle perdue à Gaza; victimes d'une rafale à Alger ou victimes mutilées par une des 110 millions de mines disséminées sur la planète...

Leur nombre est aléatoire. Combien de morts, de blessés, d'invalides, de victimes des exodes? Même l'ONU, le CICR, les gouvernements ne savent pas articuler des chiffres! Ces hommes, ces femmes, ces enfants, ce sont des armes qui les tuent, les mutilent. Est-ce trop demander que de vouloir en interdire l'exportation?


Y peut-on quelque chose?

Certes, le volume d'exportation d'armes de la Suisse n'est pas très élevé. Comparé aux flux financiers mondiaux liés à l'armement, il serait presque insignifiant, même s'il est en augmentation (250 millions en 1996 contre 170 en 1995). Est-ce pour autant une raison pour continuer à exporter la terreur? De se donner bonne conscience en prétextant que d'autres font bien pire?

Cynique, l'argument qui veut que l'interdiction d'exporter du matériel de guerre depuis la Suisse ne changera rien aux malheurs de ce monde est également faux. Il l'est non seulement parce que toute réduction, aussi petite soit elle, représentera toujours autant de souffrances en moins. Mais il l'est aussi parce que la décision du peuple suisse de ne plus vendre des instruments de mort attirera inévitablement les regards du monde: elle renforcera toutes celles et tous ceux qui, de par le monde, refusent la violence, les dépenses d'armement.

A l'heure où l'on s'apprête à fêter les cent cinquante ans de cette Suisse qui seule et isolée faisait valoir aux yeux de l'Europe entière sa Constitution démocratique, veut-on renoncer à affirmer aux yeux du monde notre refus des profits faits sur la mort, la mutilation des gens?


Sauver des emplois plutôt que des vies ?

Selon un scénario qui a largement fait ses preuves comme dans le cas de l'achat des F/A-18, la défense de l'emploi est souvent invoquée pour refuser l'initiative.

L'argument est cynique. Il en dit d'ailleurs assez long sur une société dans laquelle la vie des uns peut dépendre de la mort des autres. Mais il est également utilisé comme raccourci pour éviter de faire des choix et renoncer à un commerce juteux.

S'il est vrai que l'interdiction d'exporter du matériel de guerre toucherait quelques 1'500 emplois, il est encore plus vrai que la réorientation des entreprises d'armements vers la production civile en créerait un nombre sensiblement supérieur. Des exemples récents, en Allemagne notamment, de reconversion d'usines de fabrication de matériel militaire vers la production de lits d'hôpital, le démontrent.

Une telle reconversion pourrait même être partiellement financée par le tout nouveau fonds de solidarité que le Conseil Fédéral vient d'inventer. Ne serait-ce pas un moyen de donner une forme concrète aux beaux discours sur la solidarité?


Des montants limités à effet démultiplié

Limitée, l'exportation de matériel de guerre depuis la Suisse ne cause pour autant pas moins de ravages. Ainsi, l'an passé, la moitié de cette exportation s'est faite vers des pays du Tiers Monde, à savoir vers des pays pour qui chaque livraison d'armes signifie automatiquement plus d'enfants qui ont faim, moins d'écoles, moins d'hôpitaux...

Combien de tracteurs pourraient-ils acheter pour le prix d'un Stinger? Combien de cahiers d'écoliers, de doses de quinine pour combattre la malaria pour le prix d'un fusil d'assaut SIG?

De même, ces quelques 125 millions de francs, livrés sous forme de matériel de guerre aux pays pauvres, sont autant d'instruments aux mains de régimes qui, comme dans le Zaïre de Mobutu ou la Birmanie des colonels, pratiquent la violence comme seule méthode de gouvernement.

La disparition de l'offre suisse ne les empêcherait pas de s'approvisionner ailleurs. Est-ce pour autant une raison pour continuer à leur vendre des produits mortels?


Des armes ... en liquide que personne ne voit

A l'heure de la dite mondialisation, le commerce de matériel de guerre devient à la fois virtuel et terriblement réel. Ainsi, il n'est point besoin d'entrepôts de caisses de munitions et autres semi-remorques pour organiser ce trafic depuis la Suisse. Des simples bureaux, un fax, un catalogue et un compte numéroté dans une grande banque suffisent.

L'opération est simple! C'est via Abidjan ou Beyrouth que d'importants stocks d'armes passent de l'ex Union Soviétique dans n'importe quel pays d'Afrique ou d'Amérique du Sud sans transiter par la Suisse où ils ont pourtant été négociés. Et c'est par contre toujours à Genève, à Zürich ou à Lugano que les paiements se font. En termes techniques cela s'appelle du courtage.

Couvertes par le secret bancaire, de telles opérations sont plus que courantes. Nombreuses sont les officines qui , à moindres frais logistiques, organisent ce commerce - souvent étroitement imbriqué avec celui des stupéfiants - depuis nos villes. Et qui contribuent par la même occasion à blanchir l'argent d'origine douteuse!

Ainsi, au-delà du volume limité des exportations helvétiques, l'interdiction, telle que la propose l'initiative, du courtage en matière de matériel de guerre depuis le sol suisse est un instrument grandement utile pour contrer ce commerce de la mort.


A Genève, ils ont pignon sur rue !

Genève, plaque tournante "neutre", abrite de nombreux marchands d'armes, puisqu'elle est une place financière internationale. Il est impossible de connaître tous ces commerçants de la mort et tous les paramètres de leurs activités, tant ils essaient de cacher soigneusement leur trafic!

Georges Starkmann (Erkis et Star Productions) et Heinz Pollman (VUFAG) ont défrayé la chronique voici quelques années à Genève et en France. Leurs funestes activités ont cessé. Pourtant le siège existe toujours à la rue Winkelried ...

Lockheed est sans conteste le plus grand producteur et marchand d'armes au monde. Leurs bureaux sont installés à la place Longemalle ... grosses ventes surtout à l'Est en utilisant l'OTAN comme tremplin!

La banque AMAS à Genève (quai du Seujet), propriété des frères Hinduja, impliquée dans affaire suèdoise "Bofors"* pour un retentissant trafic d'armes avec l'Inde et l'Irak (corruption et pot de vin de 1.3 milliards de dollars), se trouve dans le collimateur de la commission fédérale des banques (CFB) qui met en doute la gestion, sa capacité financière, l'origine de ces fonds etc. Pour soigner son image de marque, la banque AMAS va-t-elle financer la SIP, société genevoise en faillite, qui a vendu naguère des machines outils à l'Irak pour son programme d'armement?

On trouve évidemment d'autres "officines de la mort" qui ont leur siège dans notre ville: quai du Mont-Blanc, rue Bellot, rue de la Cloche, rue Céard, place Cornavin, etc... Jusqu'à quand pourront-ils agir impunément?

* Dans cette affaire les frères Hinduja ont été souçonnés d'avoir trempé dans l'assasinat du premier ministre suédois Olof Palme.


Des armes qui tuent

Elégantes, aux lignes pures, presque propres, ces armes que l'on exporte finiraient par nous faire oublier qu'elles servent d'abord à tuer.

Ainsi, les avions PC7 de Pilatus dont l'utilisation à des fins militaires a fini par être reconnue même par le Conseil Fédéral ont pu être livrés en toute impunité pendant plus de vingt cinq ans aux gouvernements répressifs de l'Afrique du Sud du temps de l'apartheid, de Birmanie, du Mexique, du Guatemala.

Equipés à l'étranger de bombes, ils servent à terroriser les populations civiles, quand ils ne larguent pas tout simplement du napalm!

Ne serait-il pas grand temps de répondre à l'appel des populations du Chiapas mexicain qui viennent de demander au peuple suisse de leur envoyer du chocolat, pas des Pilatus?


Interdire l'exportation du gruyère et du chocolat?

Partisans des licenciements et des restructurations au nom de la rentabilité, les adversaires de l'initiative s'évertuent à faire croire que son acceptation apporterait un coup terrible à l'ensemble des exportations en ce sens qu'elle interdirait le commerce des produits à double usage, militaire et civil.

Hypocrisie et mensonge font ici bon ménage. Alors que tous ces amis occasionnels et intéressés de l'emploi ont toujours refusé de soumettre à embargo l'exportation des Pilatus, pourtant à moultes reprises utilisés comme avions militaires, ils jouent sur la notion de biens à double usage.

A les croire, même l'exportation de gruyère ou de chocolat pourrait être interdite dans la mesure où, empoisonnés, ils pourraient devenir des armes terrifiantes!

La mauvaise foi est d'autant plus évidente que la disposition de l'initiative à ce propos recouvre exactement la nouvelle loi sur le contrôle des biens adoptée en 1996 par les chambres fédérales!


Le 8 juin choisissons l'avenir!

Le vote du 8 juin est aussi un choix pour l'avenir. En 1989, plus d'un million de Suissesses et de Suisses votaient pour l'abolition de l'armée, pour un projet de développement pacifique et solidaire.

Depuis, l'irruption d'une guerre en Europe, dans l'ancienne Yougoslavie, le déluge de feu sur l'Irak, les conflits qu'on veut ethniques à l'Est, les massacres en Afrique ont largement désorienté les populations.

Aujourd'hui, les prétendues solutions militaires montrent leurs limites: de la Bosnie au Rwanda en passant par la Somalie, le feu continue de couver sous les cendres. Rien n'est résolu.

Dire oui le 8 juin, c'est aussi en finir avec la peur. C'est renouer avec la confiance, avec l'espoir, avec l'idée que chacun, aussi petits que soient ses moyens, peut faire quelque chose pour que ce monde ne sombre pas complètement dans la folie guerrière, pour qu'il ne s'en accommode pas.

L'initiative n'est pas gagnée d'avance. Serons nous minoritaires au soir du 8 juin? C'est possible. Mais plus nombreux nous serons à dire oui, un peu plus grande sera l'idée de l'avenir ! C'est pour cela aussi que chaque voix va compter!

Page de présentation du GSsA