"Une Suisse sans armée" n°44, hiver 99, p. 15

Paix dans le Caucase:

Visite de journalistes arméniens à Bakou

Un groupe de journalistes arméniens a passé cinq jours dans la capitale de l’Azerbaïdjan. C’était la première visite de ce genre depuis le début du conflit du Karabakh il y a onze ans.

L’occasion a été donnée par la huitième conférence du Projet de soutien aux médias caucasiens (PSMC), qui s’est tenue à Bakou entre le 28 juin et le 2 juillet 1999. Le projet est financé par le département helvétique des affaires étrangères. La conférence a discuté sur le concept des informations, les relations entre politiciens et journalistes, les conditions dans les écoles de journalisme et la base économique des médias de masse. Aux côtés de six journalistes arméniens participaient à la conférence cinq journalistes de Géorgie, six d’Azerbaïdjan ainsi que le directeur du projet, de Genève. Les journalistes ont rencontré les dirigeants politiques de la république, y compris le président Heydar Aliev, le ministre des affaires étrangères Tofik Zulfugarov, le conseiller présidentiel Vafa Guluzade (qui avait joué un rôle clé dans l’organisation de la conférence), ainsi que le leader du parti Musawat Isa Gambar.

C’était la première fois qu’un groupe de journalistes arméniens visitaient l’Azerbaïdjan depuis le début de la guerre du Karabakh. Le président Aliev s’est réjoui de l’initiative des journalistes: «Onze ans de conflit ont aiguisé les sentiments de la population. L’établissement d’une confiance mutuelle est de la plus grande importance. Dans ce contexte, l’initiative des journalistes mérite d’être soutenue. Je pense que les journalistes peuvent faire beaucoup. Il y a quelques années, de telles visites, avec des Arméniens qui viennent à Bakou ou vice versa, auraient été inconcevables. Je répète, vous, les journalistes, êtes utiles à notre objectif stratégique en créant de tels échanges. Je le considère comme un anneau de la chaîne qui nous mène vers la paix dans le Transcaucase.»

Les médias locaux ont amplement rapporté de la visite des journalistes arméniens. La rencontre d’une heure avec Aliev a été entièrement retransmise sur la chaîne de la TV d’Etat. D’autres chaînes ont invité les journalistes à des talk-shows et elles ont relaté leur arrivée et départ. Plusieurs journaux ont publié des articles en première page, avec photos. De ce fait, les journalistes étaient reconnus dans la rue par la population. Les réactions étaient mitigées, parfois même amicales. Aucune agressivité n’a été exprimée à propos du conflit du Karabakh. La question la plus fréquemment posée était «Quand tout cela va se terminer et quand continuerons-nous à vivre comme avant?»

Le PSMC avait déjà organisé à deux reprises des événements qui ont eu un grand succès dans le Caucase du méridional. En 1997, c’était la première visite d’après-guerre de cinq journalistes d’Azerbaïdjan en Arménie et en 1998, la première visite d’après guerre de sept journalistes azéris dans la capitale du Nagorni-Karabach, la région du conflit. Chacun de ces voyages a permis des rencontres avec les dirigeants locaux, ainsi qu’une importante couverture médiatique des deux côtés. Notre projet a permis de réaliser dans les faits l’idée de la libre circulation des journalistes entre les différentes régions en conflit. Nous sommes heureux d’avoir contribué à rétablir le contacte et le dialogue entre les deux parties du conflit au Karabakh.

Vicken Cheterian