"Une Suisse sans armée" n°44, hiver 99, p. 6

Chronique ordinaire:

Un automne bien suisse

L’affaire des services secrets, avec Dino Bellasi et son chef Peter Regli en guest stars, s’est lamentablement dégonflée à notre grand regret. Le feuilleton n’a pas eu le succès escompté. Bellasi, que l’on a fait passer pour fou - c’est bien plus simple! - , est sorti de la clinique psychiatrique pour retourner en prison. Peter Regli, mouillé dans toutes les affaires douteuses, de l’affaire des armées secrètes P26 et P27 aux relations et collaborations pour le moins bizarres avec le régime de l’apartheid en Afrique du Sud, s’en sort blanchi et en pleine forme. Après l’avoir écarté provisoirement des services de renseignement, Ogi le place au tri des archives du département militaire (fallait oser!), et ce brave Peter ressort complètement blanchi de toute accusation. Pour le remercier de cette brillante carrière, le divisionnaire sera mis à la retraite anticipée et dorée l’année prochaine, à raison d’environ 170'000 francs par an pendant 10 ans. L’affaire est close, tirez le rideau. Mais quid des millions disparus de Bellasi, de l’arsenal d’armes découvert, des exercices et entraînements spéciaux, des accusations de Bellasi sur la formation d’une nouvelle armée secrète, d’après les ordres de Peter Regli et consorts?

Procès Nyffenegger: rien à signaler, sauf quelques beaux gaspillages qui ont pourtant été considérés comme négligeables. Evidemment, il s’agit de l’argent du contribuable. Où sont les fameux cédéroms top secrets que l’armée ne retrouve pas? Nyffenegger a été condamné avec sursis, et ses acolytes ont été blanchis. Circulez!

Après Sion 2006, les hauts gradés militaires récupèrent le staf dirigeant d’Expo 02, ça promet!

Toujours pas d’assurance maternité, mais les soldates suisses pourront dès janvier 2000 utiliser une arme pour des tâches de police!? Avant, elles n’étaient armées que pour leur autodéfense...

Le général Sani Abacha, dictateur du Nigéria mort l’an dernier, avait planqué plus de 870 millions de francs dans neuf banques suisses, dont huit à Genève. Les comptes ont enfin été bloqués. Malgré la nouvelle loi sur le blanchiment d’argent sale, ces banques ne seront certainement pas condamnées. La question principale reste de savoir quand le peuple nigérian recevra ce petit milliard en retour.

Les sept sages du Conseil fédéral ont renoncé à visiter le super-bunker qu’ils se sont fait construire vers Kandersteg (BE). La visite était prévue le 9 novembre, jour anniversaire des dix ans de la chute du mur de Berlin. Il était peu gracieux et délicat de s’enfermer le jour où le monde entier commémorait cette ouverture décisive...

Première session du parlement nouvellement élu à Berne: l’initiative socialiste pour réduire de moitié les dépenses militaires et les redistribuer socialement a été balayée par deux tiers des parlementaires, sous prétexte que l’armée avait déjà assez donné et qu’il en allait de sa crédibilité. Avec ses 28 millions de gaspillage par jour, l’armée suisse reste encore de loin la mieux équipée en Europe par rapport à sa surface et au nombre d’habitants. C’est pourquoi ces même parlementaires ont encore voté des millions de crédit pour le lancement d’un satellite d’espionnage hyper-sophistiqué.

Cette chronique ordinaire pour un automne bien suisse est naturellement incomplète. Elle reste malgré tout encourageante puisque les aérodromes militaires suisses seront sur le pied de guerre pour accueillir les avions civils perdus à cause du bug de l’an 2000.

Bug Brother Luc Gilly