"Une Suisse sans armée" n°43, automne 99, pp. 8-9

Internet:

Visite guidée des sites militaristes


Nos «amis» les militaires se servent aussi d’Internet. Nous avons fait un petit tour édifiant sur des sites militaires… Morceaux choisis sur le site du Swiss Military Net (http://www.military.ch/) qui regroupe les pages d’un certain nombre de sociétés militaires, et contient également des liens sur d’autres sites militaires suisses et étrangers.

Commençons par le forum «Jeunesse et Armée» du canton de Vaud. Ses pages contiennent un guide de suggestions pour l’école de recrues. On peut y découvrir le déroulement d’une école de recrues, ainsi que des conseils plus ou moins avisés pour que les choses se passent le «mieux» possible. Par exemple, il y a des indications pour s’entraîner pour les marches, pour éviter les cloques dans les chaussures etc.

Sous la rubrique «Soins et hygiène», on trouve cette recommandation édifiante: «être propre et bien rasé est excellent pour la santé mentale comme physique! De plus, tu te feras bien voir de tes supérieurs si tu montres l’exemple et tes camarades te seront reconnaissants de sentir bon». Ou ailleurs: «Les meilleurs éléments dans l’instruction et la discipline sont souvent récompensés par un départ à la maison le vendredi soir. Applique-toi!» En clair, sois un peu fayot et tout se passera bien. En parlant de l’avancement: «Bien qu’avancement signifie peine et sueur, il sert à former plus profondément ta personnalité; c’est un fait qu’on ne veut souvent pas reconnaître.» Pour la politique de sécurité: «La Suisse offre à ses habitants non seulement de merveilleux paysages, mais encore une situation politique et économique stable. Le niveau de vie est l’un des plus élevés du monde. Malgré tout, la Suisse n’est pas une île. Elle est directement ou indirectement concernée par les bouleversements politiques et les guerres qui agitent le continent européen.» On ne sait jamais, si Milosevic nous attaque…

On ne trouve par contre pas d’information sur les démarches à suivre si l’on ne se sent pas capable physiquement et/ou psychiquement d’accomplir son service. Notamment, des informations manquent sur la présentation d’un certificat médical pour des problèmes ponctuels, ou encore sur les démarches devant la Commission de Visite Sanitaire pour être déclaré inapte au service. En ce qui concerne le service civil, une minuscule rubrique informe sur l’existence d’une loi, avec, qui plus est, une erreur sur les démarches à accomplir…

Vision de la femme…

Les femmes ne sont pas oubliées. On lit sous la rubrique Femmes dans l’Armée (FDA): «L’obligation de servir inscrite dans la constitution ne concerne pour l’instant que les Suisses de sexe masculin. Cependant, les femmes ne souhaitent pas «rester à la traîne»; en politique, pas plus que dans les autres domaines de la vie publique. Elles veulent, tout autant que les hommes, se rendre utiles à leur pays.» En clair, l’égalité d’accord, pour autant que ce soit dans la connerie masculine! Pour l’anecdote, enfin, dans la rubrique «lessive», on trouve l’indication suivante: «En caserne, tu n’as pas la possibilité de laver ton linge; tu dois le faire durant ton congé à la maison. Tu peux l’envoyer chez toi dans un sac à lessive (jusqu’à 2,5 kg) et te le faire renvoyer.» Ben oui, Maman sera ravie de laver le linge du fiston… Pour se dédouaner de cette vision machiste, et à l’intention de ceux qui sont déjà indépendants ou qui ne profitent pas de la bonne volonté de leur mère, nos avisés conseillers poursuivent: «Si tu n’as pas la possibilité de laver ou faire laver ton linge, tu peux le faire laver gratuitement par la lessive du soldat.»

Les femmes ont aussi leur site sur le Swiss military net! «Femmes, Sécurité et Défense (FSD)» ont choisi comme emblème un château fort avec l’écusson vaudois. On apprend que ce groupe a organisé un débat sur l’extrémisme, le terrorisme et le crime organisé, ou une conférence sur le pouvoir des sociétés secrètes susceptibles de mettre en danger la sécurité économique de l’État. On nage en pleine paranoïa. Heureusement, FSD veille: «Les moyens d’existence de l’armée sont régulièrement mis en cause par des initiatives pernicieuses. Le groupement FSD les combattra énergiquement». Nous voilà rassurés.

On peut trouver également des dessins d’«humour» militaire d’un goût douteux, qui illustrent cet article. L’image de la femme qu’ils véhiculent est peu flatteuse. En voici un exemple ci-contre.

Les lois de Murphy à la sauce armée sont désopilantes: «En cas de doute, videz votre magasin». Tirez sur tout ce qui bouge, vous êtes soldat, c’est une protection contre les bavures et un permis de massacrer… «Si vous êtes à court de tout sauf d’ennemis, vous êtes au combat». «Le calcul de la bière se fait comme suit: 2 bières fois 37 hommes = 49 caisses». Vive la franche camaraderie virile! Un fusil, une bière, pas de femmes, on se sent invincible, et tant pis pour ceux qui pourraient être blessés ou tués par un militaire alcoolique. «Le calcul des pertes ennemies se fait comme suit: 2 guérilleros + 1 porteur + 2 cochons = 37 ennemis tués». Cassons du gauchiste et de l’étranger, ça en fera quelques uns de moins!…

Jeunes feignants

Une page du «Swiss military net» donne les trucs des simulateurs en reproduisant la page d’un étudiant lausannois. Cet «ami du GSsA», comme il le dit lui-même, avait fait une page de conseils après son école de recrue pour éviter de grader, avec les astuces connues de ne pas bien faire les exercices, ne pas bien saluer, ne pas regarder dans les yeux, pleurer etc. Ceci lui a valu des insultes anonymes des militaires… Selon l’auteur de la page, les simulateurs empêchent les officiers de s’occuper de ceux qui en ont réellement besoin: «Nous savons que certains jeunes gens ont de réelles difficultés d’intégration dans la vie militaire [...] Ces recrues ont souvent connu une vie civile difficile, parfois dans un contexte social perturbé». Ben oui, il faut avoir des problèmes graves pour ne pas supporter l’armée… Les gens sains la supportent très bien. «Malheureusement, d’autres personnes feignent d’avoir des problèmes qu’elles n’ont pas, limitant ainsi l’attention qui peut être accordée à ceux qui n’inventent pas leurs difficultés. Ces simulateurs qui n’ont même pas le courage d’objecter clairement existent.» Il ne viendrait même pas à l’esprit de ce fin stratège que 450 jours de service civil sont difficiles à assumer du point de vue économique et que les démarches à effectuer découragent plus d’un jeune…

Notre dernier exemple est tiré de la page des liens. Un lien pointe sur un site chinois, qui publie des photos sur les atrocités commises par l’armée japonaise durant la seconde guerre mondiale. Le Swiss military net commente ce lien en disant qu’il «n’offre aucune garantie sur l’authenticité des photos et l’objectivité historique des propos» du site. Mais il rebondit en affirmant que «Ces images peuvent permettre de démontrer, aux plus jeunes en particulier, qu’un envahisseur peut commettre des actes atroces. Seule une défense militaire crédible peut préserver la Paix.» Bien entendu, les jeunes générations doivent poursuivre dans la voie tracée par leurs aînés, si vis pacem para bellum et tout le tralala. Ils ne peuvent pas construire un monde basé sur la prévention des conflits, en passant par une redistribution des richesses, une éducation accessible à toutes et à tous, et une meilleure connaissance des autres… Les casquettes d’officiers limitent considérablement l’horizon.

Face à la vision du monde véhiculée par les militaires et les militaristes, nous avons encore beaucoup de pain sur la planche…

Sébastien L’haire

Pour connaître d’autres visions, une série de liens pacifistes est disponible sur notre site http://www.gsoa.ch. Bonne visite!