"Une Suisse sans armée" n°43, automne 99, p. 2

Edito:

L’armée n’est pas la solidarité

113’299 signatures valables pour l’initiative «pour un service civil volontaire pour la paix» et 110’108 pour la suppression de l’armée. Les 18 mois d’activité intense de récolte et de discussion avec la population, nous ont confirmé la pertinence des initiatives du GSsA. Une partie importante des citoyen-ne-s de ce pays demandent de baser la politique de solidarité de la Suisse sur l’ouverture et la solidarité civile, au lieu de l’intégration dans les systèmes militaires des riches pays occidentaux. En outre, le dépôt des initiatives tombe au bon moment. Avec le virage à droite lors des élections nationales, l’ouverture politique de la Suisse a été remise à des lendemains meilleurs. Dès lors, le risque est grand de voir, également dans le domaine de la politique de sécurité, une partie de la gauche s’allier aux réformateurs militaires contre les isolationnistes de droite. Le seul choix possible serait alors entre l’isolement armé et le rapprochement avec l’OTAN. Nos initiatives permettent de développer une troisième voie, celle d’une ouverture civile et solidaire au lieu de l’intégration à des alliances militaires.

La mutation de l’armée est effectivement en cours: après la phase de l’armée bonne à tout faire (prise en charge des requérants d’asile, aide en cas de catastrophe, surveillance des bâtiments diplomatiques) les réformateurs ont résolument mis le cap vers l’armée du nouveau millénaire, capable d’intervenir avec efficacité et professionnalisme dans la «gestion de crises» tant à l’intérieur qu’à l’extérieur en collaboration avec les armées des autres pays occidentaux. Toutes les mesures appliquées ou annoncées ces derniers mois, comme l’extension de la professionnalisation des cadres et la démilitarisation de la protection civile et de l’aide en cas de catastrophe vont dans ce sens. La mission militaire suisse au Kosovo (pour laquelle on ne lésine pas sur les moyens: Swisscoy coûtera 55 millions de francs) prépare le terrain pour la modification de la loi militaire. Cette réforme permettra non seulement l’envoi de troupes armées à l’étranger, mais aussi la tenue de manoeuvres militaires communes pour atteindre l’objectif de l’intéropérabilité avec les armées des pays riches. Toutes ces réformes coûteront cher. C’est aussi pour cette raison que même les réformateurs les plus «ouverts» parmi les militaires ont déjà annoncé leur opposition à l’initiative socialiste pour la réduction de moitié du budget militaire qui sera soumise en votation l’année prochaine. La coopération militaire détournera encore davantage les ressources humaines et financières qui manquent déjà cruellement pour le développement des démarches civiles face aux conflits. C’est une raison de plus pour conclure que le projet d’intégration dans l’euro-militarisme est incompatible avec la légitimation de l’ouverture civile et solidaire de la Suisse.

Tobia Schnebli