"Une Suisse sans armée" n°43, automne 99, p. 12

Guerre des Balkans:

Des Balkans à l’ordre mondial: quel bilan?

Après l'appel international lancé à Paris le 15 mai 1999, "Pour une paix durable dans les Balkans", plusieurs dizaines de signataires de divers pays d'Europe se sont réunis les 2 et 3 octobre à Genève, afin de dégager un premier bilan. La guerre décidée par l'OTAN de son propre chef, a eu un prix politique élevé, au plan local et régional, ainsi qu'au plan de l'ordre international.

Tout d’abord au Kosovo, la situation effective et le droit sont restés brouillés après les accords conclus entre le régime serbe et les grandes puissances. La Yougoslavie est censée rester souveraine au Kosovo, qui est en même temps constitué en protectorat international, selon la résolution 1244 de l'ONU, pour une durée indéterminée. Le deutschemark a été décrété monnaie officielle de ce protectorat sous mandat de l'ONU et occupation militaire de l'OTAN. Les populations albanaises sont rentrées, mais les minorités serbes et roms sont en voie de disparition et les tensions entre communautés se sont aggravées. Les projets actuels d'aide économique sont conditionnés par l'orientation stratégique qui a été celle de l'intervention militaire de l'OTAN: intégrer la région dans les normes de sécurité et les règles des marchés définies par les grandes puissances, au détriment du droit des peuples à décider d’eux-mêmes, au plan socio-économique et politique.

Le bilan d’ensemble de la gestion désastreuse de la crise yougoslave par la "communauté internationale" doit être tiré.

Il est également temps d'ouvrir un débat public sur l'existence de l'OTAN comme "milice privée" des pays dominants. La sécurité européenne et la paix mondiale ne sauraient être fondées sur un droit unilatéral d’intervention (pire, de guerre) que s’arrogeraient les gouvernements de quelques pays menés par les Etats-Unis ou s’affirmant au plan européen. On ne peut prétendre défendre le droit international en ne respectant aucune norme et en contournant les institutions qui ont vocation à être universelles. On ne peut construire la paix et la sécurité sans politique résolue de désarmement nucléaire et conventionnel, sans politique axée sur le développement économique et social, la solidarité entre peuples et l’égalité des droits.

Notre commune réprobation de la façon dont la crise yougoslave et celle du Kosovo ont été - et restent - gérées, nous incite à poursuivre les discussions et les échanges de textes, ainsi que la diffusion des initiatives européennes proches de nos orientations. Quelle politique alternative de paix et de sécurité définir? Par quels canaux devrait-elle passer? Une discussion sur le droit international, l’OTAN, l'ONU, l'OSCE, les tribunaux pénaux internationaux, s'est engagée entre participants à la réunion de Genève.

Nous avons décidé de poursuivre ces débats en formant un réseau de réflexion, d'analyses critiques des médias dominants, et d'information dans le but de développer une alternative aux politiques actuellement dominantes, sur la base de relations de solidarités, de coopération et d’amitié avec des partenaires agissant dans le même sens dans les Balkans. Avec eux, nous chercherons à nous inscrire dans les projets existants de conférences "citoyennes" sur les Balkans.

Pour mettre en place un tel réseau, et œuvrer à la convergence d’initiatives européennes sur les questions de la "sécurité" et de l’ordre mondial, un collectif provisoire bénévole a été constitué. Ceux d'entre vous qui désirent être tenus au courant, et participer d'une façon ou d'une autre, doivent le faire savoir rapidement, en prenant contact avec les membres de ce collectif. Nos moyens sont très limités, mais nous pensons que notre réseau européen peut contribuer à la promotion d'une alternative à une Europe militarisée et insensible aux besoins des peuples.

Suzanne De Brunhoff

Pour contacter le collectif, adressez vous à:
Suzanne De Brunhoff, SDebrunhoff@compuserve.com;
ou Catherine Samary, samary@dauphine.fr, fax : +33.1 42 58 30 30


Un site web de débat

Pour celles et ceux qui voudraient approfondir la question des conflits dans les Balkans, nous avons ouvert un site http://www.gsoa.chbalkans/. On y trouve des textes de Catherine Samary, grande spécialiste de l’ex-Yougoslavie, du sociologue Pierre Bourdieu, du pacifiste Nils Andersson, du juriste Alejandro Teitelbaum, et de bien d’autres. Ce site accueillera aussi un recueil thématique de textes de discussion pour la suite des débats.

Pour celles et ceux qui n’ont pas accès à Internet, nous pouvons vous envoyer une liste des textes disponibles, pour que vous puissiez sélectionner ceux qui vous intéressent.