"Une Suisse sans armée" n°42, été 99, pp. 12-15

Aucune alternative?

Chronique des occasions manquées

Il n'y avait pas d'alternative à la guerre de l'OTAN contre la Yougoslavie, selon la position officielle, et c'est ce que beaucoup ici croient. Pendant des années, tout a été mis en oeuvre pour obtenir une solution politique et pacifique, mais tous les efforts auraient échoué à cause de Slobodan Milosevic. Voici un commentaire d'un autre genre, par Nena Skopljanac*.

Pour la plupart des politiciens dans les instances nationales et internationales, le conflit au Kosovo a commencé au printemps 1998, lorsque la guerre a éclaté. Le savoir et la mémoire ne vont en général pas plus loin. Et les nombreuses occasions manquées de résolution politique et civile du conflit sont refoulées.

La crise au début des années 80

Dans les années 80, la Yougoslavie tombait dans une profonde crise économique et politique. La dette explosait et avec la mort de Tito, le pays perdait la personnalité qui l'incarnait. Les réformes nécessaires ont échoué à cause de l'incompétence des leaders politiques qui se cramponnaient au statu quo _ à «l'héritage de Tito». Au lieu de réformer le pays, les politiques se perdaient dans des luttes de pouvoir pour conserver leurs privilèges. Les grandes manifestations pour l'autonomie au Kosovo du printemps 1981 n'ont pas servi de prétexte pour lancer des réformes, mais elles ont été réprimées brutalement par la police. Plus de cent personnes ont été tuées et la région mise en état de siège. Des milliers d'activistes albanais du Kosovo se sont vus condamnés à de lourdes peines de prison pour «activités contre-révolutionnaires» et «séparatisme».

Qu'a fait la communauté internationale? Rien du tout! On n'a pas même remarqué que la Yougoslavie s'enfonçait dans la crise. Qu'est-ce qui aurait dû être fait? Par exemple, l'offre d'une entrée dans l'Union européenne aurait pu être réitérée pour donner au pays des perspectives économiques et politiques ainsi que la possibilité d'un réajustement de sa dette extérieure. Quelques années auparavant, Tito avait refusé la première offre parce que les réformes exigées auraient mis en cause la position des élites politiques. Malgré ses problèmes, la Yougoslavie n'était pas à cette époque un moins bon candidat que le Portugal ou l'Espagne.

De la crise au nationalisme...

Au milieu des années 80, la crise était si profonde que les experts yougoslaves parlaient d'une «grave crise structurelle». Dans les milieux intellectuels slovènes et serbes, les premiers programmes nationaux _ en vérité nationalistes _ sont apparus. Les cris d'alarme des milieux démocratiques n'étaient pas entendus et ont sombré dans les feux croisés d'un nationalisme de plus en plus bruyant.

Qu'a fait l'Occident? Encore une fois rien du tout. Ce qui aurait été nécessaire et possible? Des séminaires et des conférences internationales auraient contribué à faire voir les problèmes, à les comprendre et à imaginer des solutions. La Yougoslavie aurait dû être intégrée dans le débat européen et non abandonnée à elle-même et à des politiciens nationalistes.

...et enfin à la guerre

Les programmes nationalistes sont devenues l'idéologie et la politique dominantes, d'abord en 1987 en Serbie, puis en 1989 également en Croatie et en Slovénie. De 1987 à 1990, des manifestations gigantesques ont ébranlé tout le pays: les mobilisations de masse et les manipulations des médias par Milosevic dans le cadre de la «révolution antibureaucratique» ont précipité le pays dans le chaos et entraîné la suspension de l'autonomie de la Vojvodine et du Kosovo. Les élites politiques ont été mises à l'écart et remplacées par les gens de Milosevic. En 1989, c'était le tour du Monténégro, puis en 1990 des régions peuplées par des Serbes en Croatie.

Les instances politiques yougoslaves se sont décomposées à une vitesse fulgurante. Une politique commune devenait impossible et les élites dans les républiques luttaient toujours plus pour leur propre pouvoir, à l'aide de mots d'ordre et de programmes nationalistes.

Les protestations au Kosovo contre la suspension de l'autonomie ont fait l'objet d'une répression brutale de la part de la police. Les employés albanais ont été licenciés, la langue albanaise bannie des écoles, l'accès aux écoles et aux universités limité et les journaux en albanais interdits. Le nombre des violations des droits de l'homme, jusqu'à la torture et à l'exécution de détenus politiques, prenait des proportions incroyables. Les Albanais du Kosovo ont réagi en proclamant la «République du Kosovo» et en établissant des structures étatiques parallèles à l'appareil d'Etat serbe. En même temps, l'histoire était constamment falsifiée pour introniser les Serbes comme «peuple céleste»: les préparatifs des 600 ans de la bataille du Champ des Merles (Kosovo) devenaient un acte de culte pour lequel les ossements du roi médiéval serbe Lazare ont été transportés à travers le pays. Au Kosovo, la température est montée lorsque des groupes serbes ont pris comme thème de propagande la discrimination et l'oppression de leur nation par la majorité albanaise. Milosevic s'est porté garant de leur sécurité. Le conflit lui donnait du grain à moudre.

Cette période était aussi une période de recherche d'alternatives politiques et économiques. Le Premier ministre yougoslave élu en 1989, Ante Markovic, avait lancé un paquet de mesures économiques pour sortir le pays de la crise. En peu de temps, ces réformes ont montré leurs premiers succès et la popularité d'Ante Markovic grandissait rapidement. Au début 1989, «l'Union pour une alternative démocratique yougoslave» (UJDI) s'est formée, qui comportait également une branche très forte au Kosovo. Elle cherchait le chemin de la démocratisation par des propositions de changements constitutionnels et un projet de loi sur les droits politiques et les organisations. Un groupe de travail spécial pour le Kosovo élabora des propositions politiques pour la résolution du conflit. De nombreuses manifestations officielles furent organisées pour tirer les leçons des expériences faites dans les transitions démocratiques en Europe de l'Est. Le pluralisme politique pour des élections démocratiques se trouvait en tête des priorités, mais cela fut ignoré, aussi bien par le parti au pouvoir que par les principaux partis d'opposition dans les républiques. Cette phase prit fin en 1990 avec les premières élections libres, gagnées par les partis à tendance nationaliste dans toutes les républiques. Des relents de guerre flottaient dans l'air.

La réaction de l'Occident? Le président Ante Markovic a fait le tour du monde pour demander du soutien et un rééchelonnement de la dette et a présenté des projets de réformes. L'UJDI était visible derrière tous les messages et proposait des analyses et des projets. Partout, on a reçu des poignées de main chaleureuses et des tapes sur l'épaule ainsi que quelques promesses et quelques consolations. Il a été question de 10 à 15 milliards de dollars d'aide économique, mais les versements tardaient avec toujours de nouveaux prétextes jusqu'à ce que le gouvernement Markovic fût entièrement discrédité et que la guerre éclate en 1991.

La politique internationale s'est donc une nouvelle fois distinguée par son inaction. On était bien trop occupé par l'effondrement de l'Union soviétique et l'on ne voyait même pas, peut-être par triomphalisme, la nécessité d'agir. Quoi qu'il en soit, la Yougoslavie a explosé sans que l'Occident ne lève le petit doigt, mais avec ses souhaits et recommandations les plus chauds. Quelles auraient été les alternatives?

Le soutien financier aux réformes économiques aurait été la première des priorités pour maintenir le gouvernement réformateur au pouvoir et sauvegarder la stabilité politique. Mladian Dinkic, l'un des meilleurs économistes yougoslaves, a calculé qu'avec seulement quatre milliards de dollars, un programme de stabilisation économique et sociale aurait été réalisable. Sur le plan politique, on aurait dû soutenir les initiatives de l'UJDI contre les forces nationalistes pour obtenir une réforme de la constitution et des lois yougoslaves. Un soutien technique international à la télévision yougoslave YUTEL et à des projets de médias indépendants aurait été précieux pour contrer la propagande nationaliste de toutes les républiques. Des conférences et séminaires internationaux auraient pu prendre pour thème la question des droits des minorités, particulièrement en ce qui concerne le Kosovo. Un soutien international aurait pu conduire les Albanais à participer aux élections de l'automne 1990. Ivan Djuric, le candidat de l'UJDI et du parti réformiste d'Ante Markovic, aux présidentielles, a obtenu un million de voix, derrière Milosevic et Draskovic, principalement des voix des minorités ethniques. Avec les voix du Kosovo, il n'aurait probablement pas gagné les élections, mais les rapports de force auraient été changés.

Face à la guerre

En janvier 1991, des unités paramilitaires sont apparues en Serbie, en Croatie et peu après en Bosnie-Herzégovine. En Croatie, on assistait aux premiers affrontements armés. En février, les parlements croate et slovène décidaient de ne plus appliquer les lois yougoslaves et de se proclamer indépendants. La Macédoine se déclarait indépendante et les Serbes de Croatie proclamaient la Krajina région autonome. En mars, plus de 100'000 personnes manifestaient dans les rues de Belgrade contre le régime de Milosevic et contre la propagande de la télévision d'Etat serbe RTS. La manifestation a été réprimée par les chars de l'armée. Alors que les structures politiques du gouvernement périclitaient toujours plus, on a vu apparaître des initiatives civiles et des organisations non gouvernementales ainsi que des groupes de femmes et des groupes pacifistes. En juin, la Slovénie se déclarait indépendante et les chars de l'armée yougoslave se mettaient en marche. La guerre avait officiellement commencé.

Qu'a fait l'Occident? Il organisait des rencontres urgentes et les diplomates se sont mis à réfléchir. On appelait à l'unité et promettait de l'argent pour des réformes. Dans l'île de vacances de Tito, Brioni, une conférence internationale s'est tenue, qui a débouché sur la «Déclaration de Brioni»: la Slovénie gelait ses velléités d'indépendance et l'armée yougoslave se retirait en Croatie. Malgré de nombreux cris d'alarme, on en est resté au cas précis de la Slovénie et on ne voulait pas reconnaître que le problème était seulement géographiquement repoussé. Il manquait une stratégie réfléchie pour combattre le conflit. Les Etats occidentaux se perdaient dans leurs propres intérêts et leurs jeux diplomatiques. Quelles autres possibilités y avait-il à ce moment? Une politique cohérente en matière économique et sociale et concernant la crise politique et les nationalismes régionaux aurait été cruciale. Pour cela, il aurait fallu intégrer les nombreux partis (plus de trente) dans toutes les républiques qui défendaient des projets et des programmes civils et non nationalistes ainsi que des représentants des groupes civils. Ceux-ci construisaient des ponts au-dessus des fossés ethniques et représentaient le potentiel social qui aurait permis de démocratiser et de stabiliser politiquement la Yougoslavie. Sans un soutien international, cela n'aurait pas pu réussir.

De la Slovénie à la Croatie...

Renforcée par les troupes retirées de Slovénie, l'armée s'est déplacée vers la Croatie, pour y entamer la prochaine guerre, beaucoup plus longue et sanglante. Pendant que celle-ci gagnait constamment en brutalité, se développaient aussi les activités anti-guerre. Quotidiennement, dans tout le pays, de tenaient des manifestations, meetings, lettres ouvertes et appels, ainsi que des activités concrètes pour reconstruire la paix. Alors que le mouvement anti-guerre tentait l'impossible avec des ressources extrêmement limitées, la communauté internationale se distinguait par son incapacité à agir. Certains Etats plaidaient pour le maintien de l'unité yougoslave, d'autres reconnaissaient l'indépendance des anciennes républiques. Tandis que les forces pacifistes étaient marginalisées, la diplomatie internationale siégeait constamment à des conférences avec les fauteurs de guerre. La politique était déterminée non pas en fonction d'un consensus international, mais par les intérêts nationaux divergents.

Quels ont été les principaux manquements? Il n'y a pas eu ni de reconnaissance ni de soutien à toutes les forces prêtes à collaborer pour une solution politique des problèmes. Au niveau de la «grande politique», il manquait la volonté, et chez les ONG l'argent, pour renforcer ces approches. Au niveau des médias, il n'y a pratiquement pas eu d'analyses sérieuses: la simplification l'emportait de loin sur la compréhension. Il y avait peu de plates-formes ou lieux de rencontre pour la résistance civile. Début 1992, au lieu de terminer la guerre en Croatie par la paix, le conflit a été interrompu par une armistice... et la caravane de l'armée yougoslave s'est déplacée en Bosnie. Les conséquences étaient évidentes, mais la communauté internationale brillait par son incroyable incapacité à apprendre.

... et la Bosnie

La guerre s'est donc déplacée en Bosnie. La communauté internationale a décidé des sanctions contre la République fédérale yougoslave et a entamé des négociations. On discutait de la paix avec des gens comme Karadzic qui avaient fait escalader le conflit en une guerre et qui avaient entre-temps été inculpés de crimes de guerre. Les conférences alternatives souffraient du manque d'argent et de temps. Là où elles avaient quand même lieu, elles élaboraient des propositions et des projets concrets, qui étaient pour la plupart ignorés et en tout cas jamais sérieusement pris en considération par la politique officielle.

Une conférence internationale, comprenant toutes les forces civiles uvrant pour des solutions politiques auraient pu définir une stratégie globale, qui aurait rendu possible l'imposition d'un protectorat pour la Bosnie. Au lieu de décider uniquement des sanctions, il aurait fallu définir et proposer des mesures d'encouragement, des «sanctions positives», qui auraient pu montrer le chemin à suivre pour sortir de l'impasse. De plus, la grande politique aurait dû se référer d'avantage à la compétence des ONG internationales, puisque celles-ci avaient suivi et analysé les évènements de manière plus conséquente et développé des alternatives.

Même après l'armistice de Dayton les manquements coupables ont continué. Pourquoi a-t-on conclu un accord pour la seule Bosnie-Herzégovine en excluant le conflit en Kosove? De cette manière Milosevic pouvait se proclamer «garant de la paix» et poursuivre sa politique de répression en Kosove. Au lieu d'un «Plan Marshall» pour la région, c'était l'illogique du «trouble shooting» localisé qui s'était à nouveau imposée.

Pourquoi n'a-t-il fallu que quelques mois pour réaliser le volet militaire des accords de Dayton, alors que les volets civils attendent aujourd'hui encore d'être pris en compte sérieusement? L'Occident n'avait-il toujours pas encore compris que le nationalisme ethnique peut être surmonté uniquement par des processus d'apprentissage collectifs et de démocratisation de la société, et que le développement économique, la sécurité sociale et surtout l'implication et le soutien conséquent des forces sur place engagées dans ces processus en sont des conditions indispensables?

De l'armistice aux bombardements de l'OTAN

Entre-temps les sanctions imposées contre la Yougoslavie ont produit des effets catastrophiques sur l'économie et la société. Le clan familial de Milosevic ainsi que les autres profiteurs de guerre se sont enrichis de façon outrancière, alors que les forces démocratiques et pro-occidentales étaient diffamées non seulement comme «ennemis», «espions» ou «cinquième colonne» par le régime, mais aussi marginalisées et ignorées par la politique internationale. Tout le monde connaît les noms de politiciens plus ou moins d'opposition comme Vuk Draskovic ou Zoran Djindjic. Mais qui s'est intéressé à l'Alliance citoyenne ou aux partis civils formant les coalitions majoritaires en Voïvodine, en Sumadija ou au Sandzak? Qui connaissait les manifestations de masse de 150'000 personnes contre la guerre en Bosnie au printemps 1992, ou celles estudiantines de 1993 contre la guerre et pour le retrait de Milosevic? On a écrit des douzaines de livres, organisé des centaines de manifestations et d'actes de protestation, déposé des appels avec des milliers de signatures, mais l'Occident n'a jamais pris en compte cette «autre Serbie». Même la collaboration entre organisations serbes et kosovares est passée quasiment inaperçue. On a ignoré toutes les rencontres et les projets qui y ont été élaborés pour un protectorat international, pour un statut d'autonomie selon le modèle du Sud-Tyrol, pour une procédure constitutionnelle aboutissant au statut de République pour la Kosove. L'Occident était absorbé par la Bosnie. La Kosove était perdue et oubliée, pire encore: elle a été écartée. Les responsables politiques internationaux saluaient chaleureusement la résistance non violente kosovare tout en la punissant par la non-reconnaissance et en la livrant au régime serbe et à son oppression brutale. A la fin de 1997, qui a pris au sérieux les manifestations des étudiants de Pristina qui demandaient une présence internationale? Leur écrasement brutal par la police serbe marquait la fin de la résistance non-violente de la Ligue Démocratique de Ibrahim Rugova (LDK) et le début de l'ère de la violence armée et de sa structure militaire, l'armée de libération de Kosove (UÇK).

La «communauté internationale», fière et satisfaite d'elle-même pour la «paix» obtenue en Bosnie s'est réveillée en sursaut de sa léthargie. L'escalade a cueilli la politique internationale par surprise une nouvelle fois, impréparée, sans concept ni consensus sur les buts et les moyens d'y arriver.

Le bonheur règne, les problèmes restent

Rester spectateurs ou attaquer: la politique internationale s'est empêtrée elle-même dans ce faux dilemme parce qu'elle s'est contentée du rôle de spectateur jusqu'à ce qu'il n'y ait pratiquement plus de marges de manuvre pour une action politique. La frénésie du «ballet diplomatique» américain ne pouvait pas rattraper cet état de fait. Depuis octobre 1998, il a fallu plusieurs mois pour qu'arrivent en Kosove la moitié des observateurs de l'OSCE prévus, sans mandat clair et dans des structures et des objectifs qui changeaient constamment. Puis, au printemps 1999, il aurait fallu résoudre en une semaine tous les conflits qui s'étaient accumulés depuis des décennies: on a lancé des invitations à la conférence de Rambouillet. Sous la menace des bombardements, les délégations conviées à la négociation se sont vues soumettre des papiers continuellement modifiés et qui comportaient en plus des annexes secrètes. Une négociation commune n'a jamais eu lieu. La seule rencontre à Rambouillet, entre les délégations serbe et celle des Albanais de Kosove, s'est tenue à la séance photo lors de l'apéritif avec Madeleine Albright. Ces négociations n'ont jamais eu une chance réelle d'aboutir, et on peut douter que la «communauté internationale» n'ait en effet jamais cherché un accord. «Drag and drop», glisser sur la table des négociations et laisser tomber des bombes sur le pays: la «gestion des conflits» des politiciens était devenue la poursuite des jeux vidéo avec d'autres moyens.

Et aujourd'hui? Le bonheur règne. Après plus de deux mois de bombardements et la destruction du pays, Milosevic est prêt à signer le «plan de paix» de la «communauté internationale». Une fois de plus le «trouble shooting» international amène au mieux un cessez-le-feu, mais certainement pas la paix. Sans implication des forces démocratiques, l'Occident a conclu avec Milosevic un accord qui se concentre géographiquement sur la Kosove et, dans ses contenus, sur les aspects militaires et encore, sans un vrai concept. Milosevic doit retirer l'armée, la police spéciale et les unités paramilitaires de Kosove. Pour aller où? Au Monténégro? Au Sandzak? En Voïvodine? Dans quelle prochaine guerre va-t-il pouvoir engager ces forces? Il n'y a pas un mot dans ce «plan de paix» sur la démocratisation de la Serbie, sur la levée de l'état de guerre, sur la réalisation de la liberté de presse, sur la protection de toutes les personnes et de toutes les minorités, sur la poursuite en justice des crimes de guerre, sur les perspectives pour le Monténégro, sur des mesures concrètes pour le «plan Marshall» dans les Balkans mentionné au point 8. Au contraire: on menace la Serbie de ne pas verser un sou pour la reconstruction temps que Milosevic reste au pouvoir. Lui-même ne peut que se réjouir de cela. Le pays reste sous sa coupe dans une isolation claustrophobe. La politique internationale rate une fois de plus l'occasion d'imposer, avec les forces politiques disponibles dans le pays, les mesures qui pourraient amener une stabilité et une sécurité durables pour l'ensemble de la région. Une fois de plus donc, on conclut un accord qui ne résout aucun problème et qui pose uniquement la question de savoir où et quand commencera la prochaine guerre.

*Nena Skopljanac, politologue,

vit à Zurich et est engagée dans l'organisation de soutien aux médias indépendants «Medienhilfe Ex-Jugoslawien». L'article publié ici est une version traduite et fortement abrégée de l'original en anglais, que l'on peut trouver sur la version online du GSoa-Zitig N. 80 (http://www.gsoa.ch/).