"Une Suisse sans armée" n°41, printemps 99, p. 2

Genève, République de paix:

Le Tribunal fédéral tranche: 13 à 2 pour le GSsA!

Après son ultime passage devant le Tribunal fédéral (TF) et malgré la suppression de deux points sur quinze, l'initiative «Genève, République de paix» (cf. journal no 29) reste un outil formidable pour la promotion des approches civiles, au détriment des instruments de violence, dans la gestion des conflits.

Nous sommes très confiants que les citoyen-ne-s genevois-es pourront adopter cette initiative en votation populaire encore avant la fin de ce vingtième siècle, qui aura été le plus meurtrier dans l'histoire de l'Humanité. Certes, ce n'est pas «Genève, République de paix» à elle seule qui apportera la solution pacifique aux conflits dans le monde. Mais nous sommes particulièrement satisfaits que les juges du TF aient finalement tranché en faveur de la conformité au droit supérieur confédéral de l'intégralité des points contenus dans les alinéas 1 à 3 de l'article constitutionnel proposé. Ainsi, contrairement à l'avis du Conseil d'Etat, des parlementaires de la droite genevoise et du président de l'Union des sociétés militaires genevoises (auteur du dernier recours auprès du TF), qui proposaient de biffer plusieurs, voire l'ensemble de ces points, le canton et les communes genevoises sont habilités à:

En approuvant l'initiative, les citoyen-ne-s du canton se doteront d'une base constitutionnelle pour développer concrètement le concept de la gestion civile des conflits, dans d'innombrables domaines tant au niveau local qu'international. Il faudra encore beaucoup de détermination, mais l'on disposera d'un outil nouveau pour renforcer un processus sans limites. D'autres cantons suisses pourront s'en inspirer et Genève pourra soutenir les citoyen-ne-s et les institutions d'autres parties du monde qui sont à la recherche de solutions civiles aux conflits.

Quant aux deux points supprimés par le TF, il convient de rappeler que leur portée réelle était fort limitée: d'une part en raison de la primauté des compétences de la Confédération en matière de recours à la troupe pour «maintenir l'ordre public intérieur», de l'autre parce que les autorités tant genevoises que confédérales admettent déjà l'inopportunité de confier des tâches de police à l'armée. Reste le fait qu'en matière militaire, les juges du TF ont appliqué une conception particulière du fédéralisme: là où la Constitution fédérale stipule une faculté propre aux cantons, il faudra désormais comprendre que l'affirmation «les cantons peuvent ...» équivaut à «les cantons ne peuvent pas renoncer à ...»1.

Finalement, c'est justement à travers le développement concret des approches civiles pour la gestion des conflits que nous réussirons à marginaliser de plus en plus la conception de l'utilité ou de la nécessité de la violence militaire, même comme «ultime moyen», pour la résolution des conflits internes ou externes.

«Genève, République de paix» constitue une chance énorme à saisir pour progresser dans ce sens.

Tobia Schnebli

1 Cf. l'Art. 58 al. 3 de la nouvelle Constitution fédérale: «La mise sur pied de l'armée relève de la compétence de la Confédération. Les cantons peuvent engager leurs formations pour maintenir l'ordre public sur leur territoire lorsque les moyens dont disposent les autorités civiles ne suffisent plus à écarter une grave menace pesant sur la sécurité intérieure.»