"Une Suisse sans armée" n°40, hiver 1998, p. 11

Affaire Nyffenegger:

Le procès militaire a commencé

Le colonel à la retraite Friedrich Nyffenegger est accusé de violation du secret militaire. Il était chargé de l'élaboration d'un cédérom contenant un aide-mémoire de l'état-major de l'armée. Ces données secrètes et sensibles étaient destinées aux officiers, et le colonel a commis des imprudences graves. L'affaire avait éclaté en 1995.

Des manquements ont été commis lors de l'élaboration, la distribution et la destructions de ces cédéroms. A côté de Nyffenegger comparaissent son supérieur le brigadier Meyer, le directeur de la société chargée de l'élaboration du CD et deux autres accusés.

L'ex-femme du colonel a refusé de témoigner contre son ex-mari. Seule sa déposition dans le cadre de l'instruction sera prise en compte.

La défense plaidera la bonne foi de l'accusé. Le cahier des charges n'était pas assez clair dans le domaine des prescriptions de sécurité. Le cédérom a notamment été distribué aux officiers EMG, qui ont pu les conserver après leur retraite!

Un autre procès, civil cette fois-ci, sera instruit contre Nyffenegger. Il est accusé de malversations financières dans le cadre de l'opération Diamant de commémoration du 50e anniversaire de la mobilisation générale en 1989. Dans les années 80, il avait abusé de sa voiture de fonction pour ses petits voyages privés. On peut donc s'interroger sur le choix de ce personnage, déjà connu pour son manque de rigueur, pour gérer un tel budget.

Torture

Lors de son procès, le colonel s'est plaint du traitement qui lui a été infligé. La procureure de la Confédération Carla del Ponte a ordonné qu'il soit réveillé toutes les heures, car il présentait des tendances à la déprime. Nyffenegger a assimilé ce traitement à de la torture. Il conteste également la validité de notes qu'il avait rédigées à l'époque en prison, où il admettrait des entorses aux règles de la confidentialité, car il était détruit nerveusement par les pressions auquelles il était soumis. Il a dû se rétracter devant le tribunal: le ministère public ne l'a pas contraint à des aveux. Nyffenegger est pitoyable jusque dans son système de défense!

Le colonel était avide de se mettre en avant. Il a toujours rêvé de se voir promu brigadier. Ce sont ses excès de zèle et de confiance qui l'ont trahi. Après l'affaire de l'espion suisse découvert dans les années 80 en train d'observer des manoeuvres autrichiennes auxquelles étaient conviés des officiers du Pacte de Varsovie, après le brigadier Jeanmaire condamné pour haute trahison, après le colonel Bachman, chef du renseignement militaire qui avait transmis des données secrètes à un pays étranger, l'amateurisme de cette armée d'opérette est une nouvelle fois mis en cause. Le verdict est attendu pour le 17 décembre, malheureusement après la mise sous presse de ce journal. Les paris sont ouverts ...

Sébastien L'haire