"Une Suisse sans armée" n°40, hiver 1998, p. 18-19

On nous écrit:

Une Suisse Sans Armée - possible vraiment ?

Depuis le milieu des années 80, nous avons la chance de pouvoir discuter régulièrement de l'armée. Même si cette discussion se fait au détriment du fond, et que les milieux au pouvoir en profitent pour privilégier la recherche d'un nouveau sens à donner à leur armée pour qu'elle puisse perdurer au siècle prochain, il n'est pas sans intérêt de vouloir comprendre tous les aspects du problème et revenir aux idées de base qui motivent l'antimilitarisme. Nouvelles compréhensions du monde

Avec les changements sociaux en cours, les anciennes vérités révèlent leurs limites et deviennent caduques. Les grandes découvertes biologiques modernes démontrent que la vie n'est pas qu'un rapport de force où la domination des forces du pouvoir et la loi du plus fort élimine systématiquement le plus faible; actuellement les enseignements tendraient à montrer que tous les aspects et configurations de la vie s'interpénètrent et agissent entre eux d'une manière harmonieuse pour former des écosystèmes vivants et évolutifs, presque auto-réparateurs. Les organismes vivants, pour assurer leur protection et survie, comptent sur des mécanismes de défense. Mais ces systèmes n'agissent jamais en détruisant les milieux vitaux, l'action est menée au niveau des vecteurs de maladies par la reconnaissance et une réduction des menaces.

Selon les conclusions d'une récente discussion entre experts militaires, ils ont pris conscience que:

Les nouvelles menaces et nos ennemis

La force d'une nation moderne et dynamique ne peut plus se mesurer à l'aune de ses armes car elles sont inutilisables pour la résolution des nouveaux conflits. Dorénavant, avant qu'un conflit armé puisse surgir entre deux cantons ou d'autres pays, il faudrait imaginer l'arbitrage pacifique de la Confédération autour d'une table de négociation, rendant possible un règlement à l'amiable du différend. Car on peut légitimement craindre pour son avenir, si, malgré les grands progrès technologiques de ces dix dernières années, et en dépit des énormes possibilités de destruction, on continue à se parler en termes de rapport de force et de jugement d'autrui.

Les partisans de l'effort militaire, à travers leurs déclarations passées et présentes, nous permettent de connaître leurs véritables motivations et intentions concernant la «nature humaine», les nouvelles menaces et nos ennemis:

Notre nature humaine

Nous pouvons constater que, sous prétexte de réalité, on nous décrit le côté sadique de notre nature humaine d'une manière si négative, péjorative, subjective et diffamatoire que cela devient un jugement et une condamnation suprême, totalitaire et incontournable. Nous pouvons retenir de toutes ces affirmations péremptoires que la nature humaine est ressentie d'une manière si négative (violence, terreur, mort) qu'il faut des armes pour s'en défendre. Notre société clame que nous ne sommes pas capables de gérer la «nature humaine» autrement que par la logique du rapport de force, la dissuasion par la menace (!!), la peur et la main armée qui donne la mort. Mais le recours à la force armée n'est pas un acte de civilisation et il est toujours le signe d'un constat d'échec:

Nous savons tous à présent que si l'homme veut continuer son cheminement sur cette terre, nous devons tous rentrer dans une autre logique plus proche d'une autre réalité, celle qui mène à l'auto-construction de l'individu, de son âme et de la création de liens d'amour entres les gens et de convivialité dans nos environnements construits. En conclusion, un individu motivé autrement, une personne forte et consciente de lui-même est parfaitement à même de se défendre quand il le faut, avec ce qu'il faut, sans encadrement, sans donner la mort, c'est l'alternative non violente.

Georges Tafelmacher