"Une Suisse sans armée" n°40, hiver 1998, p. 9
Ce fut en mille six cent et deux! Non pas, faites-z-excuse, en 1964, à l'occasion des préparatifs de la dernière Exposition nationale de Lausanne. Le comité préparatoire s'était adressé à compère Apothéloz, fondateur animateur comédien du célèbre Théâtre des Faux-Nez à toute bonne fin qu'il concocte un programme culturel original. Ni une ni deux notre facétieux compère et ses acolytes rédigèrent un questionnaire comportant quelques dizaines de questions de divers acabits qu'ils durent soumettre, pour la bonne forme, à ces Messieurs de la haute direction. Ce fut le début de l'affaire Gulliver: au nombre des questions, plusieurs parurent importunes, entre autre celle qui suit: "Peut-on être un mauvais soldat et pour autant un bon citoyen?" Il n'en fallait pas plus pour semer le trouble. On remarqua qu'il serait sans doute mieux de corriger le ton, voire de supprimer quelques questions litigieuses. Les auteurs refusèrent toute censure. On fit part au Conseil fédéral, autorité tutélaire, afin d'obtenir un acte de censure. On nomma un censeur qui sans hésitation imposa le retrait pur et simple de cette question. On finit devant l'obstination des auteurs par proposer une solution de compromis: le questionnaire serait distribué mais le résultat de ce sondage ne serait publié qu'avec l'accord de l'autorité supérieure.
Moralité: 450'000 visiteurs déposèrent dans les urnes de l'Expo autant de réponses; celles-ci furent classées et analysées grâce à l'ordinateur et au logiciel mis à disposition par IBM mais la publication fut remise à plus tard autant dire qu'on n'en parla plus. La raison, demanderez-vous? Eh bien, près de 50% des réponses à la question citée étaient positives. Ça ne faisait pas sérieux surtout en temps de guerre froide.
Cet épisode de notre histoire nationale récente était évoqué avec toute l'objectivité requise en pareil cas par dame Éliane Baillif et ses collaborateurs lors d'un récent Droit de Cité de la TSR2.
On se demande si Mesdames Fendt et Pipilotti, chargées du programme de la prochaine Expo nationale, proposeront l'installation d'un grand panneau où figureraient les résultats de 1964 et la reconduite d'un sondage de même acabit sous le titre Gulliver n°2?
reçu de Papyrus, alias Roland Audéoud