"Une Suisse sans armée" n°39, automne 1998, p. 17
Augusto Pinochet a régné d'une main de fer sur le Chili de 1973 à 1990, après avoir renversé le gouvernement élu du président Allende, un socialiste coupable de vouloir procéder à des nationalisation et à la destitution de l'oligarchie chilienne. La dictature a fait 3000 victimes. Avec les dictatures avoisinantes, dont l'Argentine du général Videla, le Chili faisait partie du réseau Condor, destiné à éliminer les opposants politiques réfugiés dans d'autres pays d'Amérique latine. Depuis la fin de la dictature, Pinochet, protégé par l'armée, bénéficie d'une immunité scandaleuse et d'un siège de sénateur à vie.
Mais l'Espagne désire lui demander des comptes pour la disparition et l'assassinat de dizaines de ses ressortissants. Le Chili met toujours les pieds au mur et refuse toute collaboration.
Pinochet se trouve actuellement dans une clinique anglaise pour se faire opérer d'une hernie discale. Il est au bénéfice d'un passeport diplomatique. Les autorités britanniques l'ont néanmoins placé en état d'arrestation dans sa clinique, afin de permettre aux autorités espagnoles de l'interroger. Le Chili a protesté contre la violation de l'immunité diplomatique. La justice espagnole ne peut encore réclamer son incarcération, faute d'éléments suffisants, et compte beaucoup sur les résultats de l'interrogatoire. Mais le vieux dictateur se renfermera certainement dans un mutisme.
Rien n'est donc gagné, mais une brèche est désormais ouverte. Les dictateurs amnistiés par leur propre pays ne sont pas à l'abri d'autres poursuites. La très fragile démocratie chilienne n'est pas encore débarrassée de tous ses démons. L'armée est encore toute puissante, et exercera certainement une très forte pression sur le gouvernement chilien pour qu'il fasse libérer le sénateur. Une affaire à suivre de très près.
Sébastien L'haire
PS: A quand l'arrestation de Milosevic, Karadzic, Suharto, Duvalier etc.