"Une Suisse sans armée" n°38, été 1998, p. 4

Initiative "Genève République de paix":

Le GSsA gagne une première manche au Tribunal fédéral, mais

La course d'obstacles continue

Les rebondissements politico-judiciaires se poursuivent autour de l'initiative populaire cantonale «Genève, République de paix». Après l'invalidation totale de l'initiative par le Grand Conseil genevois (le 27 juin 1997), le GSsA a recouru contre cette décision au Tribunal fédéral. Finalement, le 12 mars 1998, le TF a cassé la décision du parlement genevois et l'a invité à se prononcer une nouvelle fois sur la recevabilité de l'initiative. Ce qu'il a fait le 26 juin 1998, en déclarant l'initiative entièrement recevable, inversant ainsi la décision prise il y a une année. Cette fois-ci c'est la droite genevoise (le PDC Claude Blanc, le libéral Michel Balestra, et le radical Daniel Ducommun) qui a déjà annoncé un deuxième recours au TF, pour contester la recevabilité de quatre points de l'initiative1.

Un contre-projet de la droite

Outre les obstacles juridiques, les opposants de l'initiative préparent aussi un contre-projet qu'ils aimeraient soumettre au vote en même temps que l'initiative. Ce contre-projet reprend mot par mot les deux premières phrases de notre initiative2 puis au lieu d'attribuer au canton, aux communes et à l'administration la réalisation de cette politique de paix, il stipule la «collaboration avec les autorités fédérales». Dans la partie réservée aux «moyens», le contre projet reprend également la première phrase de l'alinéa 2 de l'initiative du GSsA3, mais substitue «la prévention de la guerre» au «désarmement global». L'action concrète du canton se limiterait à «soutenir ou créer des institutions de droit public ou privé». Toutes les propositions concrètes contenues dans notre initiative sont ignorées. L'auteur du contre-projet (le député-capitaine radical Pierre Froidevaux) voudrait aussi que le canton «encourage la mise à disposition des installations et des équipements de l'armée pour des mesures de promotion de la paix internationale.» C'est donc avec l'armée qu'il faudrait envisager la promotion de la paix. Cette approche se situe en plein dans l'évolution de la doctrine militaire suisse depuis que l'armée a perdu son ennemi militaire: il n'y a plus besoin de défendre militairement le pays, alors allons «promouvoir la paix» ailleurs.

On le voit, les adversaires de «Genève République de paix» mettent beaucoup d'énergie pour empêcher la réussite de l'initiative. Comment expliquer leur grand activisme, alors que l'initiative ne propose pas l'abolition de l'armée à Genève, mais simplement quelques mesures concrètes d'encouragement à la solution pacifique des conflits et la renonciation à faire appel à l'armée pour le «service d'ordre» à l'intérieur du canton? Probablement l'enjeu pour nos adversaires se situe au niveau symbolique: juste au moment où l'armée essaye de se vendre comme «promotrice de la paix» il serait insupportable pour eux que le mot «paix» soit occupé par des contenus et des propositions pacifistes et antimilitaristes.

La balle est donc de nouveau dans les mains du TF. Nous sommes un peu frustrés du temps que prennent toutes ces procédures (l'initiative avait été déposée en août 1996), mais nous nous confortons en rappelant le proverbe italien: «chi va piano va sano e lontano».

Tobia Schnebli

1 On ne connaît pas encore la teneur exacte du recours, mais les quatre points contestés dans le rapport de minorité (signé par les parlementaires de la droite) de la commission législative en 1997, concernaient: 1) l'engagement cantonal en faveur des institutions internationales promotrices de paix; 2) l'encouragement par le canton de la restitution à des usages civils des terrains militaires; 3) le renoncement du canton à sa faculté de faire appel à la troupe pour le service d'ordre; 4) la garantie des conférences internationales par des moyens non militaires.

2 «Dans la limite du droit fédéral, le canton développe et applique une politique de sécurité fondée sur la mise en oeuvre de moyens pacifiques, aptes à résoudre tout conflit au niveau local et international. Il encourage activement la recherche et la promotion de mesures de prévention des conflits à travers le développement d'une véritable culture de la paix ()».

3 alinéa 2 «moyens»: «Dans ce but, le canton soutient toute démarche visant le désarmement global, la coopération et la solidarité entre les peuples et le respect des droits de l'homme et de la femme».