"Une Suisse sans armée" n°37, printemps 1998, p. 12-13

Compte rendu d'un séminaire du GSsA:

Le Service civil pour la paix, c'est quoi?

Ni scouts-pour-la-paix, ni soulagement de conscience, mais les débuts d'une politique de paix et de sécurité civile, voilà ce que veut le GSsA avec le Service civil volontaire pour la paix (SCP). Alors, nous nous sommes posés la question «Comment ça se passe concrètement?», lors d'un séminaire entre Noël et Nouvel an dans l'Emmental enneigée.

Le GSsA exige avec son initiative «La solidarité crée la sécurité» un service civil volontaire pour la paix. Cela sonne bien. Mais beaucoup se demandent ce qui se cache réellement derrière ces belles paroles. C'est pourquoi nous sommes confrontés premièrement au reproche de «scoutisme» ou d'«exercice alibi». Pourtant, notre exigence d'un service volontaire pour la paix a pour but de créer plus d'espace pour une politique civile de sécurité qui repose plutôt sur la solidarité sociale que sur de rapides interventions militaires.

Fantaisies dangereuses

Les conflits sociaux et militaires ne se sont pas évaporés depuis la fin de la guerre froide. L'économie en voie de globalisation, qui soustrait de plus en plus de prérogatives au politique, renforce d'anciens déséquilibres et crée de nouvelles inégalités. Et nous pouvons l'invoquer tant que nous voudrons, le troisième millénaire ne sera pas par lui-même une période de paix. Les armées, qui se battent avec de gros problèmes de légitimité, tentent de redonner leurs vieilles recettes simplistes: «Nous les armées pouvons créer la paix et la sécurité partout dans le monde. Quand il y a un problème dans n'importe quel endroit de la planète, nous pouvons y aller et le résoudre.» La sécurité et la paix résultats de frappes militaires chirurgicales? Solidarité internationale au moyen de la mitraillette? Nous voulons opposer à ces fantaisies inutiles et dangereuses des militaires la vision d'une politique de sécurité solidaire. Et à côté d'une politique économique plus équitable et d'une politique d'asile plus juste, le service volontaire pour la paix constitue un élément de cette réponse.

A quoi ressemble concrètement ce service pour la paix? Sept femmes et six hommes se sont posés cette question entre Noël et Nouvel an à Riedbad dans l'Emmental. Ont participé à ce séminaire du GSsA, Renate Wanie et Uli Wohland de l'Atelier pour l'action non-violente à Heidelberg en Allemagne.

Une Suisse pacifique?

La perception «ici, la paix - au loin, la guerre» ne correspond en rien à la réalité. La violence, par exemple, contre les femmes ou contre les requérants d'asile est réelle en Suisse aussi. Nous nous sommes donc consacré-e-s dans la première partie du séminaire au potentiel de violence à l'intérieur de la société. Au début, nous avons nommé les contextes de violence dans notre société; non seulement la violence physique (directe, entre personnes), mais aussi la violence structurelle (qui résulte par ex. de l'exclusion, de l'exploitation par le système économique) et d'origine culturelle (par ex. la discrimination sexuelle ou raciale). Puis, il s'est agi, au moyen de jeux de rôles et de théâtre de groupe, de développer en commun des possibilités d'intervention civile dans des situations de violence quotidienne. Dans cette première partie, nous nous sommes fait une idée des chances et des possibilités d'une formation de base en prévention des conflits, telle que nous la proposons dans notre initiative pour un service civil volontaire. Celle-ci peut fortement contribuer à sensibiliser les gens à des situations de violence au quotidien, leur donner le sentiment et l'expérience de l'impuissance face à la violence, et enfin, elle peut promouvoir des alternatives certes non-violentes, mais puissantes.

Un renoncement responsable à la violence

Ensuite, nous avons discuté des fondements théoriques du traitement non-violent des conflits. Seuls quelques mots-clé suffiront ici: les conflits ne sont ni fondamentalement mauvais, ni toujours solubles. Il s'agit bien plutôt de les accepter et d'apprendre à les côtoyer, voire à les traiter. Ici, le simple modèle bourreau - victime n'est pas toujours très utile; un conflit représente un défi pour tous les protagonistes concernés. Si l'on cherche à obtenir une solution d'après le principe victoire/défaite, on n'obtient au mieux qu'un délai jusqu'à la prochaine escalade.

Dans un deuxième temps, il a été question de conflits entre sociétés. Avant que des tensions ne dégénèrent en un conflit armé, beaucoup de choses ont pu se développer dans un mauvais sens. Pour chaque phase d'un conflit, il existe des possibilités d'interventions civiles non-violentes: par exemple, en soutenant des médias indépendants, on peut opposer une opinion publique discordante à une escalade de la violence planifiée par l'Etat. A travers des démarches de médiation ou des sanctions liées à des conditions claires et qui peuvent être satisfaites par chaque partie au conflit (respect des droits de l'homme, protection des minorités), on peut amener les parties à la table des négociations. La marge de manoeuvre est d'autant plus petite qu'on a laissé passer les possibilités d'intervention civile dans les premières phases et qu'un conflit dégénère. Mais même là, il y a encore différentes possibilités d'amener les parties au conflit à une solution non militaire, par exemple au moyen de sanctions ou de boycotts ciblés.

Beaucoup de travail dans le cadre du Service civil pour la paix

Dans des groupes de travail, nous avons approfondi les différentes variantes d'intervention civile. Où y a-t-il concrètement de la place pour ce service civil? La plupart des possibilités d'intervention non-violente se passent au niveau de la société civile et non seulement au niveau de l'Etat. Le champ d'action du service civil volontaire est donc assez large.

Dans la dernière partie du séminaire, nous avons tenté d'imaginer clairement quand, où, comment et à quelles conditions ce service civil pourrait être mis en pratique. Le défi sera de formuler nos représentations concrètes en quelques phrases précises, pour qu'à travers les belles paroles «service civil volontaire pour la paix», davantage de personnes acquièrent une image claire. Et nous étions d'accord pour dire que ce n'est pas facile.

Nico Lutz