"Une Suisse sans armée" n°37, printemps 1998, pp. 20-21

Irak:

USA: les pacifistes ont relevé la tête!

Tous les médias du globe ont salué la «victoire» du secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, qui a accompli avec succès sa «mission de la dernière chance» à Bagdad. Bill Clinton, comme le secrétaire général de l'ONU, ont souligné l'importance de la présence militaire américaine dans le Golfe pour assurer le succès des négociations avec Saddam Hussein.

Mais cette présence militaire américaine massive, appuyée par une campagne de propagande outrancière, a suscité des vagues de protestations aux USA. La fameuse émission de CNN, dans une université américaine, basée sur un face à face entre des responsables de la politique extérieure américaine et un public composé en bonne partie d'étudiants, a tourné au fiasco. Les intervenants du gouvernement américain ont dû faire face aux huées des manifestants ... voire même quitter la salle comme dans certaines universités! Pourtant, gageons que ces «débats» avaient été soigneusement préparés afin qu'aucun «gêneur» ne puisse contredire les propos des avocats du Pentagone.

William Cohen, secrétaire à la défense présentait aux téléspectateurs...un paquet de sucre, expliquant que s'il s'agissait d'une même quantité de virus d'anthrax, il y aurait de quoi tuer la moitié de la population de Washington ... et que les missiles irakiens pourraient atteindre Paris! Le premier ministre britannique Tony Blair, a bien assimilé les leçons de Bill Clinton au sujet de Saddam Hussein: «Cet homme a déjà empilé des armes chimiques et biologiques en quantité suffisante pour éliminer toute la population de la planète ... il faut l'en empêcher

Des «experts» contrôlent le désarmement de l'Irak

Le simple bon sens voudrait que l'on s'interroge sur les capacités d'un pays à pouvoir menacer la sécurité du globe sept ans après avoir été victime des plus massifs bombardements de tous les temps et, depuis, soumis aux contrôles permanents d'experts internationaux (UNSCOM), d'avions espions, etc. Les fameux experts annonçaient après l'opération Tempête du désert la destruction de tous les missiles Scud à l'exception de deux exemplaires! Sept ans après, ces missiles qui n'avaient servi à rien pendant la guerre du Golfe sont utilisés comme épouvantails!

Les conséquences de l'embargo sont désastreuses pour le peuple irakien, l'espérance de vie a été ramenée 50 ans en arrière. Ce qui a provoqué l'ire du dictateur irakien, ce sont les exigences provocatrices des fameux experts de l'ONU. Pour mémoire, rappelons que ceux-ci sont majoritairement américains, et que la frontière qui sépare un expert américain de l'ONU et un espion de la CIA n'est pas facile à déterminer (Le Monde Diplomatique, mars 1998). En 1990, le chef des experts américains, avait été publiquement réprimandé par l'ONU, parce qu'il fournissait ses renseignements au Pentagone avant d'en faire part à l'ONU. Les USA détiennent le record en matière d'armement, en qualité comme en quantité. Lorsque une commission d'experts est venue contrôler son armement, en vertu de traités signés par les USA, Washington en a interdit l'accès au personnel cubain et iranien!

Un reportage du Monde du 26 février illustre l'état d'esprit des inspecteurs de l'UNSCOM. Il évoque les dissensions au sein du personnel de l'ONU. Les observateurs du programme alimentaire «Pétrole contre nourriture»  parlent avec méfiance des «cow- boys» de l'UNSCOM: «Nous sommes ici pour aider les Irakiens, eux sont venus pour les humilier». Un diplomate occidental explique: «Les inspecteurs sont, pour la plupart, des militaires avec le comportement propre aux militaires; les observateurs, eux, sont des humanitaires. On ne peut pas dire que tous les inspecteurs soient mauvais, il y a le meilleur et le pire, mais il y a aussi des aventuriers».

La fouille en règle du couvent de Zafranya, au sud de Bagdad, illustre les méthodes de Rambo des «experts» de l'ONU: «J'étais dans mon bureau, raconte le père Francis Sher, mon sacristain entre et me dit: mon Père, devant la porte du noviciat des Soeurs Chaldéennes, il y a une vingtaine de véhicules des Nations Unies» (La Liberté, 27 février 1998). Le personnel de l'ONU se livre aussitôt à une fouille en règle du couvent ... à la recherche peut-être de ce paquet d'anthrax montré à la TV. Malgré les protestations du Père Sher («c'est une profanation»), l'inspection n'épargnera pas les tombes!

Et la Suisse dans tout cela?

Le CICR, par la voix de son secrétaire général Cornelio Sommaruga a fait part de ses inquiétudes pour ce qui est de bombardements qui pourraient également atteindre des civils.

Certains pays, dont la France, la Russie et la Chine, ont déployé de vastes moyens pour s'opposer au nouveau massacre américain. La diplomatie suisse, soucieuse (peut-être obsédée?) de se rapprocher de l'OTAN, est restée en retrait. Si elle a sortit son épingle du jeu, ce n'était pas pour offrir sa protection aux futures victimes des bombardements américains, mais afin de protéger Israël ... en mettant à sa disposition des masques à gaz! Israël qui détient certainement le record régional en matière de violation des décisions de l'ONU. Un pays qui ignore le droit international et le droit du peuple palestinien en particulier. Et même la plus élémentaire politesse. L'Etat hébreu a payé d'une singulière monnaie les masques à gaz helvétiques en envoyant six agents de ses services secrets, le sinistre Mossad, procéder aux préparatifs d'une nouvelle opération criminelle à Berne!

Daniel Künzi