"Une Suisse sans armée" n°37, printemps 1998, p. 2

Edito:

Deux initiatives pour ne pas laisser la solidarité et l'ouverture aux militaires

C'est parti: dès le 17 mars, nous voulons récolter 120'000 signatures pour nos deux initiatives. Ce ne sera pas aussi simple qu'avec l'initiative «Stop F/A-18». Dans la rue, sur des stands, lors de fêtes et manifestations diverses nous devrons motiver des milliers de citoyen-ne-s à souscrire à deux initiatives qui proposent un changement réel de la politique de sécurité, d'ouverture et de solidarité de la Suisse.

Ce ne sera pas aussi facile parceque la Suisse officielle et une bonne partie des militaires reconnaissent que les vieilles recettes pour justifier l'existence de l'armée ne fonctionnent plus. L'armée a perdu son ennemi traditionnel et essaye de se redonner une utilité en empiétant de plus en plus sur des domaines politiques ou civils: «promotion de la paix», «sauvegarde de la vie face à toute sorte de menace», «aide en cas de catastrophe», «Partenariat pour la Paix» (PpP de l'OTAN), «solidarité avec la sécurité européenne», «Centre de déminage humanitaire de Genève», voilà les slogans qui font brèche.

Pourtant l'actuelle discussion sur la politique de sécurité en Suisse et les événements dans le monde nous montrent que nos deux initiatives sont plus que jamais nécessaires:

- Le rapport de la commission Brunner (voir article P. Gilardi, p. 4) confirme que la Suisse n'est pas menacée militairement. Pourtant, il annonce une évolution qui reste entièrement militaire: à côté du maintien d'une «défense militaire autonome, adaptée et crédible» (p. 8 du rapport), il préconise l'ouverture de la Suisse par le rapprochement à l'OTAN et propose de manifester sa solidarité internationale par la création d'un «Corps suisse de Solidarité», composé uniquement de militaires. Sur le plan intérieur, le service militaire obligatoire est maintenu, tout comme le système de milice, indispensables pour «le maintien du lien entre l'armée et le peuple» (p. 22). Ce lien s'arrête dans les «cas exceptionnels» où l'armée serait engagée en cas de troubles et de menaces intérieurs: ici il faudrait des «militaires provenant des entités professionnelles à créer.» (p. 17).

- Le conflit en Kosove, lui (voir pp. 21-23), constitue la énième démonstration de la faillite du «système de sécurité» international, y compris de la politique suisse. Le drame des Kosovars pourrait s'appeler «chronique d'une guerre annoncée». Au lieu de soutenir massivement les efforts de la société civile et de l'opposition locales qui depuis des années proposent des solutions civiles du conflit, la communauté internationale attend l'embrasement général pour éventuellement, le moment venu, faire une nouvelle démonstration de l'efficacité des «top gun» et des paras de l'OTAN pour «imposer la paix». Et la Suisse officielle est aussi responsable. En s'accordant avec le régime de Milosevic pour renvoyer les déserteurs qui ont cherché refuge en Suisse, elle donne une crédibilité aux oppresseurs et elle punit les opprimés qui ont refusé l'affrontement armé. Elle contribue à l'escalade du conflit. A la solidarité avec les populations opprimées on préfère malheureusement celle entre les polices et les ministères de la défense.

La discussion sur la politique de sécurité, sur l'ouverture et la solidarité de la Suisse ne peuvent pas se limiter aux options militaires «défense autonome crédible» et «rapprochement à l'OTAN» proposées aujourd'hui. Avec nos deux initiatives pour une Suisse sans armée et pour un service civil volontaire pour la paix nous pouvons développer une alternative civile et solidaire contre ce renouveau militaire.

La récolte de signatures a commencé, à nous de jouer.

Tobia Schnebli