Une Suisse sans armée n° 36, hiver 1997, pp. 7-8
Réponse ouverte du GSsA aux quatres démissionnaires
Chers amis,
Quelques jours avant l'assemblée générale du
GSsA plusieurs journaux ont fait état de votre décision,
que vous aviez déjà annoncée il y a une année et demie,
de quitter le GSsA. Dans ces articles, Andreas
Gross mentionnait une lettre d'adieu au GSsA. Après avoir
dû vous en demander une copie, le GSsA dispose enfin
de votre «lettre d'adieu au GSsA».
Voici notre réponse.
- La formation des opinions politiques est un
processus collectif. Les projets d'initiatives du GSsA
sont le résultat d'un tel processus de discussions.
Celles-ci ont été intenses et toujours conduites
de façon ouverte, avec vous y compris. Nous
avons discuté nos deux projets lors de nombreuses
rencontres et plusieurs fois nous avons voté
pour poursuivre leur élaboration. Vous avez très peu
pris part à ce processus, et pas du tout durant l'année
et demie écoulée.
- Nous rendons accessibles nos discussions aussi
à un public plus large à travers nos
publications. Apparemment vous n'en profitez pas.
Comment expliquer autrement que, jusqu'à ce jour,
vous persistiez à ignorer le fait que le GSsA veut
lancer non pas une, mais deux initiatives. Et que ni l'une
ni l'autre ne sont un simple «remake» de la
première initiative pour l'abolition de l'armée. Nulle part
vous ne mentionnez dans votre lettre nos
discussions intenses sur les changements du contexte
politique dans lequel nos initiatives s'insèrent. Vous
persistez à ignorer notre effort de promouvoir, à
travers l'initiative pour un service civil volontaire pour
la paix, les nouveaux concepts de solidarité
civile développés partout dans le monde par les
mouvements pacifistes, de promotion de la démocratie
et de défense des droits humains.
- Vous avez raison d'affirmer que la différence
entre vous et nous se situe «dans l'appréciation
divergente de la situation politique actuelle et les
perspectives de la politique de paix en Suisse».
Mais contrairement à ce qu'a affirmé Andreas
Gross dans la NZZ, nous avons fait nos analyses de
façon sérieuse et publiquement. Nous avons
mentionné plusieurs motifs qui nous incitent à ne pas croire
que «le train que le GSsA a mis sur les rails avec
sa première initiative» (v. lettre) va prendre tout seul
la direction des réformes souhaitées.
- Il faut une analyse un peu plus approfondie de
ce que signifient en réalité «les chances pour le
changement politique au niveau mondial après
1989». Certes, l'idéologie militaire et la politique de
sécurité sont en mutation, en Suisse et ailleurs. Cela
ne signifie pourtant pas que le militarisme et les
armées vont disparaître d'eux-mêmes. Au
contraire: on perçoit bien les indices d'une nouvelle pensée
où le contrôle et l'intervention globaux devront
être imposés par la force et ceci afin de re-légitimer
les armées.
- C'est de plus en plus dans ce même sens que
vont les «réformes en matière de politique de paix» et
les «réformes drastiques» émanant du DMF, que
vous mentionnez dans votre lettre. Dans le discours
des réformateurs du DMF l'armée ne servirait plus à
des fins dissuasives, mais devient soudainement un instrument de la «solidarité». On cache ainsi
les structures violentes et les causes des conflits
au niveau global et on nie les possibilités de
solution pacifique des conflits.
- De plus en plus de gens se conforment à
cette nouvelle pensée qui, sous une couverture
humanitaire et civilisatrice, diffuse les vieux fantasmes
de la toute-puissance militaire. Des interventions
militaires partout où la politique n'arrive plus à
contrôler les conséquences de l'injustice, de l'exploitation
et de l'oppression: voilà la nouvelle norme qui
s'impose. Nos deux initiatives veulent justement
s'opposer à cette évolution. En partant des
expériences de mouvements sociaux de base dans le
monde, nous voulons développer une autre
perspective pour l'ouverture et pour la solidarité.
- La critique est toujours bienvenue. Mais nous
comprenons mal que vous nous reprochiez
continuellement de poursuivre un objectif qui n'est pas le
nôtre. Notre but n'est pas la «répétition d'une recette
de succès» comme vous nous l'insinuez. Nous
n'avons pas pour but de briser le tabou de l'armée
une deuxième fois, ni celui de chercher notre «68»
ou notre «89» à nous. Vous, les quatre mêmes
signataires de la lettre, avez avancé ces mêmes motifs
à l'encontre des militants actifs du GSsA il y a
une année et demie déjà. Si vous aviez même
seulement suivi le contenu de notre discussion,
vous sauriez qu'il n'en est rien.
La grande majorité des membres actifs du GSsA
a confirmé à plusieurs reprises qu'elle estime utile
et nécessaire le lancement des nouvelles initiatives.
La décision de ne pas partager ce choix vous
appartient. Nous ne comprenons toutefois pas que vous conduisiez une campagne politique contre les projets
du GSsA alors même que vous n'en avez jamais
sérieusement discuté les contenus. Andreas Gross a
affirmé que le lancement des deux initiatives du GSsA
serait «du poison» (Berner Zeitung) et «contreproductif»
(NZZ) pour la politique de paix. Cela n'est pas justifiable
avec l'analyse de l'évolution de la politique de sécurité
au niveau suisse et international. On perçoit plutôt
dans cette position une mythification de son propre
succès de 1989.
Le débat sur la politique de sécurité est en
mutation en Suisse et dans le monde. Une nouvelle
conception du monde remplace désormais celle de la
guerre froide. Notre contribution dans cette phase de
réorientation est plus que jamais nécessaire. Nous
regrettons que vous ne vouliez pas parcourir ce chemin
avec nous. Nous espérons tirer un jour à nouveau sur
la même corde - et alors du même côté. Avec
nos salutations amicales,
Soleure, 23 novembre 1997
Renate Schoch, Zürich; Hans Hartmann,
Zürich; Roland Brunner, Zürich; Nico Lutz, Bern;
Tobia Schnebli, Lugano/Genève; Danilo Baratti,
Davesco-Soragno; Paolo Gilardi, Genève; Astrid
Astolfi, Genève; Jörg Sommerhalder, Genève; Luc
Gilly, Genève; Jörg Wiedemann, Birsfelden; Lukas
Romer, Basel; Josef Lang, Zug; Marco Tackenberg,
Bern; Sandra Küttel, Bern; Martin Krebs, Bern;
Catherine Wiedmer, Bern; Reto Gasser, Bern.