Une Suisse sans armée n° 36, hiver 1997, p. 10

Appréciations et réactions sur l'assemblée générale du 23 novembre 1997:

L'assemblée générale du 23 novembre a marqué l'aboutissement d'un long travail de réflexion interne qu'il nous faudra maintenant réussir à porter sur la place publique. Les nombreux et riches débats qui ont eu lieu se sont déroulés dans un cadre démocratique exemplaire.

Sur le départ d'Andreas Gross et de ses amis, ce n'est pas tant leur départ en soi qu'il faut regretter, mais bien plutôt le fait qu'ils n'aient pas compris que l'armée telle qu'elle se réforme aujourd'hui est une composante essentielle du nouvel ordre mondial néo-libéral particulièrement injuste et meurtrier.

Tony Mainolfi, Versoix



Une journée à Soleure pour décider du lancement des initiatives du GSsA:

Longues discussions des intervenants et conférenciers ... malgré l'écho médiatique fait autour des opposants et la présence de l'un d'entre eux ... l'ambiance était détendue et les débats ouverts à tous ...

Il en est ressorti:

Même si ... on ne part pas vers une victoire écrasante. Même si ... l'échec est également une porte ouverte. Au lieu de nous gaver de poireaux modifiés jusqu'au grand jour ... du moins nous aurons réussi un moyen pour lancer le processus de la Révolution de toutes abolitions (des armées, de la propriété privée, des Etats,...).

Rahsan, Genève



Après avoir lu l'édito de Sulpice Piller dans la Lutte Syndicale du 2 décembre, je déterre enfin votre journal afin de vous envoyer ma déclaration de soutien à vos initiatives.

De plus, ma fillette de sept ans m'a demandé avant-hier ce qu'on pouvait faire pour supprimer les guerres. Je lui ai répondu qu'il faudrait d'abord supprimer les armées ... Voilà de quoi me réveiller!

Merci d'avoir eu le courage de lancer ces initiatives.

Suzanne S. , Renens



Des jours et des gens

Il est des gens de droite qui sont lucides, qui aiment la douceur et qui n'adorent pas la répression. De simples citoyens, et d'autres qui sont des politiciens. Des gens qui regardent autour d'eux sans se sentir agressés ; qui reconnaissent l'absence de la menace.

Aujourd'hui ils se prononcent en faveur d'une réduction des dépenses militaires, parce qu'il y a d'autres priorités, parce que pour le moment on est tranquille ; voilà qui est réjouissant. Mais attention, disent-ils, nous ne sommes pas devenus antimilitaristes pour autant, veuillez nous maintenir loin de l'idée d'une Suisse sans armée, merci de ne pas exagérer; on est bien gentil, on réduit le budget, alors ne nous en demandez pas plus.

Pourquoi ces gens s'arrêtent-ils en chemin? Parce que la menace peut revenir. La menace va sûrement revenir. Oui elle va revenir, elle doit revenir, c'est obligé. L'Europe, on ne sait pas vraiment où on en est, et puis où va le monde, on l'ignore, alors continuons de penser que les Russes, les Allemands ou les Irakiens voudront nous attaquer un jour.

Les mêmes voient dans les inondations et les migrations de bonnes raisons d'être pour l'armée d'aujourd'hui. Ils continuent de justifier l'existence de l'armée. Pour eux, l'existence de l'armée va de soi, cela paraît inscrit dans leurs gènes, il n'y a pas à discuter, parce qu'il y a toujours ce jour...

Peu de gens, en eux-mêmes, sont heureux quand ils sont dans une caserne, mais la plupart pensent que c'est comme ça, que ça ne peut pas changer, et que c'est mal fait pour la recrue Monney. Au fond, ils s'y sont habitués. Mais il pourraient bien vivre, et même vivre bien, sans ce jour, en comprenant qu'il appartient au passé, en le détachant de leur discipline, en pensant autre chose, différemment.

Alors ils reconnaîtront que le mode de vie militaire est essentiellement malsain, ils cesseront de défendre la hiérarchie sourde et l'abandon de la conscience au règlement, les médailles aux moutons et les punitions collectives, la dilution de l'individualité dans l'appartenance au groupe et l'adhésion à ses valeurs étriquées, où chacun est attaché au suivant par des sangles. Ils arrêteront de subir et de tolérer les débilités.

Un jour ils diront d'accord, parce que les inconvénients écrasent les avantages, parce que les pompiers et les organisations civiles peuvent s'occuper des inondations, parce que les douaniers sont assez nombreux pour veiller aux frontières, parce qu'il est d'autres moyens d'apprendre le mélange des classes sociales et la vie en communauté.

Si on peut éviter de faire fonctionner un système qui casse les gens en deux, autant l'éviter, autant le supprimer, et pas seulement le réduire. Ce jour-là, les gens se sentiront beaucoup mieux.

Antoine Mach, civiliste, Genève.