Une Suisse sans armée n° 36, hiver 1997, pp. 13-14

ONU et Irak:

Sous domination américaine

Ouf! Les Etats-Unis ont modifié leur doctrine dans le domaine des guerres nucléaires! Terminée l'idée délirante selon laquelle: tu m'envoies un missile, je t'en lance 10! Tu ripostes avec 20, en voici quarante... (et pendant ce temps, le Conseil Fédéral, tapi dans son bunker cinq étoiles à 250 millions, compte les points, en toute neutralité).

«Le Pentagone n'a plus désormais pour mission de remporter une guerre nucléaire prolongée.»1 Voilà qui semble rassurant, et qui amènera les USA à faire des économies, puisqu'il ne sera plus nécessaire de renouveler le stock des armes «de réserve», celles destinées à être tirées après un premier échange. Mais l'idée d'exterminer des populations préventivement, continue elle à faire son chemin! «Washington entend cependant conserver toute latitude pour déclencher une "première frappe" nucléaire au vu d'informations attestant de l'imminence d'une attaque contre les Etats-Unis, y compris avant l'explosion de missiles ennemis, et dans certaines circonstances, au détriment de pays qui ne disposent pas de capacités nucléaires.»2 Lors du conflit du Golfe, James Baker avait menacé d'utiliser l'arme atomique contre l'Irak.

Un monde toujours plus dangereux!

L'idée de vivre avec la menace d'une destruction de l'espèce humaine par le feu nucléaire est inacceptable mais réelle. Selon la nouvelle doctrine américaine donc, des «informations attestant de l'imminence d'une attaque» justifient une première frappe nucléaire!

Le Monde du 6 décembre a dévoilé partiellement, censure oblige (!) qu'un cadre du Mossad, (les services secrets israéliens), avait intoxiqué les «politiques» à propos des intentions de la Syrie.

Cet officier jouissait d'une grande crédibilité. L'année dernière, des mouvements de troupes syriennes sont perçus sur le plateau de Golan, occupé et colonisé par Israël. Le Mossad affirme qu'une offensive est «imminente, il faut se méfier, la Syrie veut la guerre». C'est la CIA qui parviendra à convaincre le gouvernement israélien que ces mouvements de troupes ne menacent pas Israël. Le vétéran des correspondants militaires israélien, Zeev Chiff affirme: «on est passé à un cheveu d'une nouvelle guerre». Lorsque l'on a en mémoire que ce pays détient l'arme nucléaire, on a froid dans le dos. Mais qu'est ce qui pouvait bien motiver cet officier du renseignement israélien à tromper le Ministre de la défense? Soit l'appât du gain (il gardait pour lui les appointements destinés à une «taupe» en Syrie) soit des mobiles politiques, ce personnage étant le leader d'un parti d'extrême droite. Ou les deux à la fois!

Daniel KUNZI

1) Le Monde, 10 décembre 1997

2) Ibidem

L'Irak, le pétrole et les morts

Depuis plus de six ans l'embargo de l'ONU contre l'Irak a fait une montagne de cadavres. Le prétexte est toujours le même: l'Irak cache des armes. On ne sait plus quoi inventer, c'est ainsi que récemment la mission de contrôle de l'ONU soupçonnait l'armée irakienne d'avoir envisagé de mettre des armes chimiques dans des bidons afin de les expédier depuis des Mirages. Voilà une nouvelle susceptible de frapper l'imagination de l'homme de la rue.

L'Irak est réduit à l'état de colonie, sous la tutelle de l'ONU, manipulée par les Etats-Unis. La tentative de ce pays de desserrer la tenaille qui l'étouffe, en refusant l'entrée des «experts» américains, a failli dégénérer en de nouveaux bombardements américains. (Verra-t-on un jour des experts irakiens contrôler la fabrication des nouvelles armes atomiques américaines?).

L'embargo est une mesure inhumaine indigne d'une organisation comme l'ONU qui prétend incarner des valeurs civilisatrices. A tel point que Denis Haliday, chargé du programme de l'ONU en Irak, affirmait au début de ce mois: «(...) les sanctions ne frappent que des innocents. La réalité politique est que les enfants meurent chaque jour parce que l'on ne peut pas leur donner des médicaments (...)» 1.

Au début, le prétexte à ces sanctions était de désarmer l'Irak. Certain de ne pas être contredit, le président Bill Clinton s'oublie parfois. C'est ainsi qu'il déclarait récemment que «(...) les sanctions imposées resteront en place jusqu'à la fin des temps», ou en tous cas «tant qu'il (le président Saddam Hussein) sera là.» 2

Il s'agissait d'un «égarement» de Bill Clinton, car la résolution 687 de l'ONU n'impose pas la démission du dictateur de Bagdad pour lever les sanctions, mais son désarmement. Que la «communauté internationale» se rassure, le porte-parole de la Maison-Blanche a tempéré les propos de son maître: «Nous n'essayons pas en ce moment d'élargir l'interprétation de ces résolutions.» Pas besoin, cela marche si bien comme ça! L'écoulement au compte-gouttes du pétrole irakien atténue la baisse du cours de l'«or noir». Les pays du Golfe ont raflé la quote-part de l'Irak. Les Emirs de la région engrangent ainsi de fantastiques fortunes. Avec cet argent, le Koweit et l'Arabie Saoudite, deux pays parmi les cinq plus grands acheteurs d'armes du monde, peuvent acheter de nouvelles armes. Devinez à qui? Aux Etats-Unis, le premier marchand d'armes du monde. A eux seuls, ces derniers exportent plus que tous les pays de la planète réunis!

1) Le Monde, 6 décembre 1997

2) Le Monde, 17 novembre 1997


Graphique: Le MONDE, 16-17 nov. 1997