Une Suisse sans armée n° 36, hiver 1997, p. 2

Edito:

La sécurité est aussi notre affaire

L'intérêt des médias suite à la décision de l'assemblée générale du GSsA de lancer deux nouvelles initiatives s'est focalisé beaucoup plus sur la démission d'Andreas Gross que sur le contenu de nos initiatives. Celle pour la création d'un service civil volontaire pour la paix n'a pratiquement pas suscité de commentaires et la proposition d'abolir l'armée a été présentée comme la banale répétition d'un exercice, salutaire en 1989, mais inutile aujourd'hui. D'après les raisonnements de plusieurs commentateurs on pourrait conclure que l'armée suisse devient utile parce qu'elle est en train de se réformer et parce qu'elle va coûter moins cher.

Mais les débats d'idées passent difficilement par les titres des quotidiens ou par la «une» des journaux télévisés. Lors de la récolte de signatures nous allons demander aux gens de souscrire à des contre-projets civils, comme alternative à l'actuelle transformation de l'armée suisse en un instrument pour «garantir la sécurité dans tous les domaines de l'existence» et pour «s'occuper de promouvoir la paix», comme le répètent à chaque occasion Monsieur Ogi et son état-major d'officiers réformateurs.

Ce sera plutôt durant toute la campagne qui nous attend que nous pourrons montrer que nos propositions portent sur bien plus que la simple volonté «d'en découdre» avec l'armée ou de maintenir en vie un mouvement en manque d'idées. Est-il vraiment irresponsable de ne pas vouloir déléguer à l'armée le «contrôle» et la «sécurité», face aux vrais facteurs d'insécurité que sont l'augmentation des inégalités économiques liées à la mondialisation, le démantèlement social, les atteintes de plus en plus graves à l'écosystème de la planète? Est-ce un «plat réchauffé» que de proposer de renforcer l'engagement civil de la Suisse face aux conflits? Est-ce de l'antimilitarisme primaire que de suggérer que nous n'avons pas besoin d'une armée pour participer à des efforts internationaux en faveur de la paix, avec ou sans des armes, et que l'opportunité comme les modalités de ce type d'interventions puissent être décidées démocratiquement?

Le débat actuel sur la réforme de l'armée se joue entre l'immobilisme «lifté» des traditionalistes (neutralité armée, système de milice) et l'ouverture militaire des modernistes (intégration à l'OTAN, armée professionnelle). Avec nos deux initiatives nous pouvons développer un troisième choix, qui propose un engagement civil, solidaire et ouvert au monde pour faire face aux vrais facteurs d'insécurité qui nous menacent. Nos propositions sont encore minoritaires, même si elles participent d'une réflexion et des divers projets (comme le service civil volontaire pour la paix) qui se développent aussi ailleurs en Europe. Mais nous voyons mal comment cette troisième perspective pourrait gagner du terrain en Suisse si nous laissons la discussion sur la sécurité et la politique de paix aux seuls commissions de spécialistes et aux décideurs attitrés.

C'est pourquoi nous vous invitons à participer activement au lancement de ces initiatives. Le travail qui nous attend demande de l'engagement et pas mal de sérieux, mais il peut aussi apporter beaucoup en termes de processus d'apprentissage collectif et d'évolution des mentalités, pour les «autres» comme pour nous-mêmes. Manifestez-vous, participez aux rencontres que nous organisons ces prochains mois, apportez vos idées et suggestions et si vous venez de gagner au loto, n'oubliez pas que malheureusement nous avons aussi besoin de quelques moyens financiers supplémentaires!

Tobia Schnebli