Une Suisse sans armée n° 36, hiver 1997, p. 5

La démarche du GSsA: légitime et nécessaire!

A l'AG de Soleure nous avons décidé de poursuivre le projet d'une politique de paix qui abandonne la défense militaire pour développer les moyens civils et solidaires pour faire face aux menaces et aux conflits actuels.

Si nous avons fait ce choix, c'est aussi parce que nous sommes convaincus de la légitimité de cet objectif. Tôt ou tard il faudra bien que les habitant-e-s de la planète se libèrent des guerres et des armées pour résoudre leurs conflits. En Suisse nous avons une petite longueur d'avance dans cette perspective. Cela est dû à la situation dans laquelle se trouve ce petit pays et à la réflexion qui s'y est développée sur cette question. Dans la deuxième moitié des années quatre-vingt, la première initiative du GSsA a contribué de façon significative à cette réflexion.

Le processus qu'a initié le GSsA n'a pas seulement brisé le tabou de l'armée intouchable. A travers un large débat de société nous avons aussi et surtout donné une contribution formidable pour diffuser dans les esprits de nombreuses personnes des idées et des approches radicalement différentes des schémas de pensée dominants selon lesquels, par exemple, les guerres et les armées ont toujours existé et que par conséquent elles existeront toujours. La première initiative n'était pas seulement une provocation utopique pour rendre possibles des réformes dans l'armée. Elle a aussi permis de réfléchir publiquement sur les menaces et les conflits, de débattre du rôle de l'armée pour y faire face et donner du crédit aux possibilités d'une politique de sécurité qui délaisse la violence pour s'ouvrir sur la solidarité et sur les moyens civils applicables pour désamorcer les conflits.

Comment poursuivre notre objectif après les 35,6% de "oui" en novembre 1989? Il faut avouer qu'avec l'initiative visant d'empêcher l'achat des F/A-18 nous avons certes obtenu un pourcentage supérieur (42,8%), mais pour une proposition finalement très limitée (un moratoire de six ans concernant l'achat de nouveaux avions de combat). La défaite du 6 juin 1993 constituait un double échec: nous avons refusé le débat de fond et notre proposition de réforme n'a pas passé. En effet ce n'était pas le GSsA, mais plutôt nos adversaires qui portaient la discussion sur notre option de fond, en nous reprochant de vouloir abolir l'armée par petites tranches en commençant par le démantèlement de la défense aérienne, alors que nous essayions vainement de ramener le débat sur le terrain des dépenses et du moratoire.

Si nous proposons aujourd'hui une nouvelle fois une initiative pour l'abolition de l'armée, assortie d'une initiative qui demande la création d'un service civil volontaire pour la paix, cela découle de la démarche et des expériences que nous avons faites jusqu'ici. Les initiatives populaires ne sont pas seulement des moyens pour promouvoir des réformes, elles peuvent aussi être une contribution aux processus d'apprentissage collectif. Un récent sondage paru dans l'Hebdo (11 déc. 1997) nous apprend que 29% des suisses seraient favorables à la suppression de l'armée. «Rien ne change » commente l'Hebdo. Nous ne voulons pas nous décourager pour autant. Les 29% d'aujourd'hui ne sont pas tout à fait comparables avec les 35,6% de 1989, quand une partie des "oui" n'était pas vraiment pour la suppression de l'armée, mais plutôt pour sortir la politique militaire de l'immobilisme total. Mais surtout, nous sommes convaincus que notre objectif ne peut gagner du terrain que si nous le soutenons activement, en poursuivant le processus d'apprentissage collectif initié il y a quinze ans. Si nous renonçons à le faire, notre perspective risque de retourner effectivement au stade de la provocation utopique. C'est pourquoi nous estimons que notre démarche n'est pas seulement légitime, mais aussi nécessaire.

t.s.