Une Suisse sans armée n° 35, automne 1997, p. 17

Armement:

Ventes: sinistre hausse

Une nouvelle n'a pas défrayé la chronique, et pourtant ses conséquences seront bien plus dramatiques que le tremblement de terre qui a frappé le centre de l'Italie: en terme réels, les ventes d'armes dans le monde ont augmenté de 8% en 1996. Ces chiffres sont communiqués par l'Institut international d'études stratégiques (1). Le volume des ventes d'armes est de 40 milliards de dollars. Les facteurs principaux qui expliquent cette hausse trouvent leur origine dans l'instabilité régnant en Asie du Nord-Est et au Proche-Orient, ainsi que dans la modernisation des armées d'Amérique latine et d'Asie du Sud-Est.

Les Etats-Unis sont toujours les champions incontestés en la matière, mais un nouveau pays s'affirme: Israël, qui grimpe au cinquième rang des pays exportateurs. Ce bond en avant s'explique en partie par le sang frais d'origine russe qui coule depuis quelques années dans ses usines d'armement. Environ 120 000 scientifiques russes ont émigré vers Israël, ce qui a donné un coup de fouet à la production d'armes de ce pays qui ne compte que 5,5 millions d'habitants.

En Amérique latine, les pays du groupe de Rio (2) se sont inquiétés de la recrudescence des ventes d'armes, particulièrement aéronavales, dans leur région. Tandis que le Pérou a acheté des avions Mig à la Russie, le Chili négocie avec un consortium franco espagnol l'achat de deux sous-marins et envisage d'acheter une vingtaine d'avions américains. A propos de l'achat des Mig, l'ambassadeur américain au Pérou, Dennis Jett, a trouvé cette bonne remarque: "Au lieu d'acheter des Mig, il vaudrait mieux construire des écoles" (3). Pour lutter contre la concurrence russe ... toutes les armes sont permises! Le Brésil, lui, confirme son intention d'acheter un sous-marin nucléaire en l'an 2005. Pour battre cette concurrence européenne et russe et ainsi rafler la part du lion, le président Bill Clinton a libéralisé les ventes d'armes dans cette région, en autorisant la livraison d'armes sensibles, tout en cherchant à intégrer l'Argentine au rang d'"allié non-membre de l'OTAN". Démarche déjà amorcée en Europe avec certains pays de l'Est.

Lorsque les commandes seront acheminées en Amérique latine, il ne restera plus aux peuples de cette région qu'à fournir leur sang!

La course à la modernisation continue ...

Le prétexte est toujours le même: quelles nouvelles armes pour mener une "guerre propre"(4)? On connaît les résultats du travail de ces chirurgiens de la guerre en Irak. C'est sous de louables prétextes que les Etats-Unis développent des armes dites "non létales" (qui ne tuent pas): chimiques (sprays au poivre brûlant les yeux, gaz calmants), fléchettes électriques filoguidées, appareils à infra-sons, etc.

Pour l'heure, le DMF suit attentivement ces développements. S'il n'envisage pas dans l'immédiat d'en produire, il s'intéresse à leur utilisation pour les forces de police cantonale.

Le CICR est parvenu à faire ratifier à une cinquantaine de pays un traité interdisant le "laser aveuglant". Les Etats-Unis ont refusé de signer ce document, eux qui sont à la pointe de la recherche dans ce domaine. Peut-être préfèrent-ils concentrer leurs efforts diplomatiques sur un énième contrôle de l'armée de l'Irak, pays toujours frappé par un cruel embargo!

... elle prend la direction du ciel!

Nous avons évoqué de quelle manière les grandes puissances entendent couler le traité CTBT (Traité pour l'interdiction des essais nucléaires), en développant des bombes nucléaires de faible intensité et en recourant aux simulateurs (5). En février, le Pentagone mettait au point une nouvelle bombe nucléaire capable de détruire des bunker.

Les Etats-Unis viennent de développer de nouvelles têtes nucléaires en modernisant les détonateurs des missiles intercontinentaux sol-sol MX et mer-sol Trident (6). Ces avancées "technologiques" contreviennent, selon une organisation américaine (la Natural Resources Defense Council) au Traité CTBT, signé par Washington en 1996, mais toujours pas ratifié par le Sénat!

La puissance soviétique s'est effondrée avant même la mise au point de la "Guerre des étoiles" chère à l'ancien président américain Ronald Reagan. Cependant les constructeurs d'armement made in USA ont su se passer du prétexte de la menace soviétique pour poursuivre leurs programmes militaires. Le 17 octobre, les Etats-Unis ont procédé à un tir au rayon laser contre un satellite.

Le Pentagone a multiplié les propos rassurants: Les Etats-Unis n'ont "absolument aucune intention" d'utiliser ce laser à des fins offensives!(7) Cet essai a été effectué peu avant que la Douma (Parlement russe) ratifie le traité Start-II sur le désarmement nucléaire. Cette nouvelle arme constitue à l'évidence une violation du traité anti-missiles (ABM) signé voici vingt-cinq ans. Elle offre en outre un prétexte aux généraux russes pour qu'eux-aussi se lancent à l'assaut des étoiles.

Daniel Künzi

1) Le Courrier du 15 octobre 1997

2) Le Monde du 26 août 1997

3) Le Monde, 9 août 1997

4) La Liberté, 28 avril 1997

5) Voir Suisse sans armée no.29 (printemps 1996)

6) Le Monde 20 août 1997

7) Le Monde du 22 octobre 1997