Une Suisse sans armée n° 35, automne 1997, pp. 12-14

Algérie :

Pour la paix ... et contre le silence

Depuis l'indépendance, les tenants du pouvoir n'ont fait que mettre en place des mécanismes pour asseoir leur autorité sur la société civile et la population algérienne. 35 ans durant, ils n'ont fait que ressasser les clichés nationaux en perpétuant l'image culte d'un colonialisme fourre-tout, cause de tous les maux et de toutes les impossibilités...Vécu comme une tragédie nationale, le système colonial a servi de faire-valoir à tous les régimes de l'après indépendance, toutes tendances confondues. Cette formidable duperie a servi de chape de béton pour étouffer toute émergence nouvelle dans «le système» comme disent les algériens. Elle a servi les nantis du régime et tout particulièrement la junte militaire, elle aussi ouvert les portes à toutes les corruptions, à tous les «deals» et à des pratiques aussi douteuses que mafieuses.

Le «système algérien» n'a pas fait que rendre possibles les pratiques mafieuses, il a fait encore mieux que ça, il a rendu la ségrégation, le sexisme, les injustices, les contraintes et les violences possibles au sein de la société algérienne. D'abord envers les femmes, ensuite envers toute la jeunesse, pour atteindre le séisme quotidien qui touche toute la population du pays. Une population oubliée, des femmes ignorées, martyrisées, suspectées, craintes et écartées de la vie civile et politique du pays, parce que trop redoutées, une jeunesse ignorée pour être trop jeune, trop spontanée et bien trop imperméable à l'atteinte aux libertés. Pourtant elles forment toutes les deux la majorité écrasante du pays et elles subissent toutes les deux les pires des violences.

Ce n'est pas la première fois que l'on voit poindre dans ce continent le masque de la terreur, d'autres exemples nous ont déjà fait frémir d'horreur ( le Rwanda, le Zaïre) et bien-sûr la Bosnie, un ailleurs encore présent dans les mémoires. L'Algérie prend le même chemin, même si le pouvoir en place, par l'intermédiaire de son représentant à l'ONU, dit tout le contraire.

Nous assistons tous les jours aux pratiques dites démocratiques de ce pouvoir et à la manière peu orthodoxe dont il en use au quotidien envers sa population, comme envers l'opinion publique internationale. Ce n'est pas en voulant terroriser les organisations non-gouvernementales que le pouvoir algérien gagnera en crédibilité.

Qu'y a-t-il de si précieux à cacher pour refuser qu'une commission internationale n'enquête sur les violences et les massacres en Algérie?...

La non-ingérence dans les affaires intérieures d'un pays ne doit pas couvrir l'horreur ni permettre que derrière les murs épais de l'indifférence, on puisse assassiner tout un peuple.

Un code de l'infâmie

Il n'y a pas si longtemps, l'Algérie s'est dotée d'une constitution comme disent «les sages politologues» du pays. Elle s'est surtout dotée d'un code de la famille parmi les plus rétrograde de la région. Ce code de «l'infâmie» met la femme en demeure et sous tutelle, de sa naissance à sa mort.

C'est un code pratique et rassurant autant pour le pouvoir que pour toutes les diverses mouvances qui prônent l'obscurantisme et le sacro-saint droit divin dont elles sont les seules et uniques héritières selon leurs propres dires.

A l'ombre des paraboles, la parole divine remise au jour transpire d'un « no future» et d'un Etat conservateur ou la laïcité, la liberté, la démocratie et le droit de la personne n'ont ni le droit de cité ni leur place. En ce qui concerne l'avenir de la jeunesse algérienne, ce n'est guère mieux ... Ce ferment, cette richesse si précieuse pour le pays est jetée avec l'eau du bain aux égoûts. Elle qui n'a connu ni colonialisme ni lutte de libération se voit reléguer à l'arrière-plan des desseins de la nation, pour n'être qu'une victime supplémentaire dans la vague du marasme politique que les dinosaures du mouvement de libération nationale ont réinventé dans le cercle fermé du parti unique.

En Algérie, c'est toujours en catimini, derrière les murs épais des palais, que nos hommes politiques règlent leurs comptes avec la jeunesse et les femmes du pays. Ce ne sont pas des gens conciliants ni des gens du dialogue et de l'ouverture. Dans leur vocabulaire comme dans leurs discours, ces mots sont bannis, ils ne connaissent que la langue de bois et la manière forte du «père fouettard». Ces gens-là, n'ont qu'un but dans la vie, ronger l'os jusqu'à la moelle, en refusant tout partage, toute remise en cause de leur politique, comme de leurs privilèges. Au mieux, ils collaboreront au nouveau jeu, dont ils s'empresseront d'inventer les nouvelles règles servant au mieux leurs intérêts.

Depuis cinq ans, la mort fait le vide, sous le croissant de lune et dans le maquis du virtuel triangle de la mort que l'on nous sert trop souvent comme une soupe froide et indigeste. Et pendant que les nantis jouissent des plaisirs de la vie en caisson dans leur bunker fortifié, les autres, les indigents, se font tuer froidement sous les yeux de ceux qui sont censés les protéger du malheur.

Pour un réveil des consciences

Nous n'avons rien dit pour le Rwanda ni pour la Bosnie, disait dernièrement Michel Bühler. Nous n'allons pas nous taire pour l'Algérie et encore moins pour l'Afghanistan où les femmes n'ont plus qu'un hôpital pour se faire soigner ou mourir.

Que faut-il de plus pour réveiller nos consciences?.... Des cadavres par milliers jonchant les trottoirs et débordant jusque devant nos portes, un intérêt économique motivant, supputé confortable en matières brutes, barils sonnants pour qu'enfin les nations civilisées osent tendre les mains, le regard plein d'indignation?

La Marche de la Paix a été un révélateur pour nous: nous avons croisé des gens de toutes sortes, ceux qui d'un regard, d'un geste, d'un poignée de mains, de quelques mots ont répondu à notre appel. Ils sont venus exprimer leur solidarité avec la population algérienne. Ils ont dit à leur manière l'horreur que leur inspirent ces massacres et ces violences, durant une étape, deux ou quelques heures.

Ce sont des petites actions anodines, des petits gestes, des petits moments à partager, qui ne règlent pas tous les problèmes, mais qui aspirent à la paix. C'est uniquement comme cela, que nous pouvons aider les populations prises en otages par la terreur et le crime, ce n'est qu'un petit bout de chemin dans le grand bide des nations, mais c'est un petit bout d'espoir, un petit rayon de soleil dans le regard d'un enfant, d'une femme, d'un vieillard.

On ne gravit jamais ce bout de chemin seul, bien des éléments sont présents sur cette voie, il suffirait d'un petit rien pour que tous se réunissent autour d'une même sensibilité. Mais pour cela, il faudra faire taire notre nombrilisme et la peur de l'autre.

La paix reviendra pour les Algériens, pour les femmes de Kaboul, pour les peuples qui subissent les injustices à travers le monde, si nous y mettons du nôtre. Nous gagnerons aussi en paix, nous les porteurs de ce petit bout d'espoir, que nous feignons d'ignorer par confort.

Pour le collectif Paix en Algérie
Mohammed Kenzi, Alain Gerber



Infos sur la suite ...

Le 21 novembre à 16h, nous nous rendrons à Berne sur la place du palais fédéral pour remettre les signatures de l'appel aux autorités fédérales. Signez l'appel ci-dessous et renvoyez le au "Collectif paix en Algérie", p.a M. Kenzi 4, passage Daniel Baud-Bovy 1205 Genève. Tél/fax 022/ 329 26 14

Le collectif Paix en Algérie aura bientôt son site Internet, le but étant de permettre aux Algériens de communiquer et de recevoir l'information à l'échelle internationale. Ils pourront par l'intermédiaire de ce site avertir l'opinion publique internationale de l'évolution du conflit, tout en se connectant sur les divers sites déjà en place à travers le monde. Si nous n'arrivons pas à sensibiliser les femmes et les hommes politiques sur l'urgence de faire cesser ce conflit, ils pourront eux toucher l'opinion internationale par le biais de cet outil.




Urgent - urgent - urgent - urgent - urgent- urgent - urgent - urgent -

Appel pour l'Algérie

Les soussignés manifestent l'horreur que leur inspirent les massacres et les tueries qui ensanglantent quotidiennement l'Algérie et réaffirment leur solidarité avec la population algérienne.

Nous demandons au Gouvernement fédéral:



NomPrénomQualitéAdresse Signature
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     

A retourner même partiellement rempli, jusqu'au 19 novembre 1997, à l'adresse suivante:

«Marche pour la paix en Algérie», p.a. Mohammed Kenzi, 4, passage Daniel-Baud-Bovy,1205 Genève,
Tél./fax (022) 329 26 14