Un pas de géant, en arrière !

Durcir la loi sur le service civil… Cette menace d’hier est désormais une réalité. Et l’attaque contre un service civil très populaire, malgré sa plus longue durée, est totalement disproportionnée.

La révision de la loi a pour seul objectif de réduire le nombre d’admissions au service civil. Et de façon « substantielle» ! Repenser l’obligation de servir ? Jamais ! Critiquer l’armée ? Encore moins… Le Conseil fédéral mise sur une discrimination totale à l’encontre de ceux qui font le choix du service civil. Sans même réfléchir, de manière critique, au sens et au but de l’armée, le Conseil fédéral estime que l’accès au service civil doit être plus ardu. Ce durcissement s’explique, pour le gouvernement, en raison du risque de voir les effectifs réglementaires de l’armée – 100 000 soldats –ne plus être garantis. La question de savoir si une armée aussi importante est nécessaire n’a même pas été effleurée. Alors même que le projet « Développement de l’armée » est achevé, l’effectif des forces armées reste à un niveau inexplicablement élevé, à savoir 166 519 soldats au début 2016 !

 

Des mesures qui défavorisent le service civil… et l’armée !

On ne peut nier que de plus en plus de soldats passent au service civil. La question de savoir si cela représente un problème de sécurité politique reste discutable. Et c’est précisément pour cette raison que les sept mesures présentées par le Conseil fédéral ne peuvent être justifiées. Ces mesures sont absolument contre-productives : loin de favoriser l’armée aux dépends du service civil, elles pousseront les personnes appelées à servir à éviter les deux options ! Si des personnes qui refusent de consacrer leur temps à des jeux de Guerre froide totalement dénués de sens se voient refuser l’accès au service civil, elles ne seront pas frappées d’un enthousiasme soudain à marcher au pas dans les rangs de l’armée. Ces personnes tenteront d’être déclarées inaptes au service et s’acquitteront de leur taxe d’exemption. Sans gagner un seul soldat, ce sont les maisons de retraite, l’agriculture et les crèches, où des civilistes étaient affectés, qui seront perdantes ! La première des sept mesures prévues consiste en la définition d’un nombre minimum de jours de service civil. Le facteur de 1,5 reste inchangé mais, désormais, le nombre de jours de service civil minimum est de 150. Si un soldat doit encore faire 90 jours de service militaire obligatoire, soit plus d’un tiers de la période minimale de service, il devait réaliser 135 jours de service civil dans l’ancien système. Avec la nouvelle loi, 15 jours de service lui seront ajoutés pour atteindre le nouveau minimum de 150 jours. Comparé aux autres mesures, cela semble presque inoffensif. Cependant, selon la situation de vie, ces 15 jours peuvent être importants.

 

Le sens et le but du service civil poussé à l’absurde

Deuxième mesure visant à décourager les changements de l’armée vers le service civil, une période d’attente de 12 mois entre le dépôt de la demande et le changement effectif va être instaurée. L’objectif est de donner à l’armée le temps de prendre des mesures internes et de persuader le soldat concerné de rester dans l’armée. La raison pour laquelle cette tentative de persuasion de l’armée ne peut être réalisée en moins de 12 mois est un mystère… sans doute faut-il plus d’un argument pour convaincre quelqu’un de rester ! Cette période est d’autant plus interminable si l’on pense aux soldats qui ne réalise qu’une fois entrés dans l’armée que les structures et les processus au sein de cette dernière ne sont pas compatibles avec leur vision du monde. Le fait de devoir attendre 12 mois avant de pouvoir remettre leur arme entraîne un stress et des tensions inutiles et rend absurde le but
et le sens originels du service civil. Les troisième et quatrième mesures visent à maintenir les personnes gradées sur la voie du service militaire. Le facteur 1,5 s’appliquera également aux sous-officiers et aux officiers à l’avenir. La mesure visant à rendre le passage au service civil de cette catégorie de militaires difficile dénote une profonde crise identitaire de l’armée. Un officier qui, malgré son investissement dans l’armée, lui préfère le service civil, devrait amener l’armée à se poser des questions sur son propre fonctionnement plutôt qu’à prendre ce type de mesures. De plus, l’armée veut également que les médecins soient contraints à servir. Les mesures dissuasives prévoient que le service civil pour les médecins ne soit autorisé que s’ils ne tra
vaillent pas dans leur domaine professionnel. Les mesures cinq (pas d’admission de membres des forces armées avec zéro jour de service restants), six (service durant une année à partir de l’admission) et sept (service civil long au cours de la première année à partir de l’admission) sont destinées à garantir l’équivalence des deux systèmes de service. Et cela après quatre mesures qui s’appliquent à générer un déséquilibre entre les deux services ! L’obligation de servir est une absurdité qui ne correspond plus à la situation actuelle. Alors que le service civil, dont l’utilité sociale est largement reconnue, s’y substitue avantageusement, il serait plus profitable pour la Suisse de rendre le service civil indépendant de l’armée plutôt que d’effrayer tous ceux qui désire s’y engager.

Par Magdalena Küng

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