"Une Suisse sans armée" n°40, hiver 1998, p. 14

Guerre de 14-18:

Les mutins oubliés de la grande boucherie

Chacun le sait, la guerre de 14-18 a été une grande boucherie (8'700'000 morts). Longtemps, les armées française et allemande se sont battues au corps-à-corps sans que ni l'une ni l'autre partie ne remporte de victoire décisive. La guerre des tranchées a été spécialement horrible. On pense notamment au gaz moutarde qui faisait mourir les soldats dans d'atroces souffrances, ou leur brûlait gravement les poumons. La fin de la guerre, du moins du côté des militaires allemands, a été ressentie comme une défaite politique, diplomatique, et non militaire. La France a compté 1'350'000 morts et 740'000 mutilés sur 8 millions et demi de mobilisés.

Le 11 novembre, date de l'armistice, est un jour férié en France. Au fil des ans, les anciens combattants se sont retrouvés toujours moins nombreux et aujourd'hui, il ne reste qu'une poignée de centenaires. Cette année, c'était le 80e anniversaire de cette victoire. Enfin, à la surprise générale, le premier ministre Lionel Jospin a rompu le ronron habituel en rendant hommage aux mutins du chemin des Dames, à Craonne en 1917.

Les généraux français Nivelle, Mangin, Pétain etc., ont envoyé leurs «poilus» à une mort certaine pour reprendre des positions. Il y a eu beaucoup de procès militaires et de condamnations pour l'exemple, pour abandon de poste ou pour des broutilles1. Au Chemin des Dames, quatre bataillons se sont révoltés, officiers compris. Ils voulaient marcher sur Paris. Matés par des tirailleurs sénégalais, 300 révoltés sont pris au hasard et fusillés sans jugement. Aujourd'hui, tous ces morts reçoivent un hommage posthume et bien trop tardif.

Si la plupart des condamnés pour des broutilles ont été réhabilités, les responsables de leur condamnation, ainsi que les officiers, coupables par leur suffisance et leur mépris de milliers de morts inutiles, ne seront jamais condamnés. Dommage!

Sébastien L'haire

1 Voir le Pantalon, d'Yves Boisset, où un colonel fait condamner à mort un soldat, au comportement exemplaire, qui refusait d'enfiler un pantalon pris sur un mort.

Deux livres disponibles au secrétariat:

R. Monclin, Les damnés de la guerre, (1978), 18.-

Tardi, C'était la guerre des tranchées, BD, 31.-


Le GSsA interdit de parole

Mercredi 11 novembre à midi, devant le monument aux morts de la Grande Guerre à côté du consulat de France, nous avons voulu rappeler les conséquences qu'entraîne le choix guerrier pour résoudre les conflits. Les chefs militaires sont toujours en retard d'une guerre. Celle de 14-18 a été la première guerre de l'âge industriel à l'échelle de masse. Lancés à l'assaut des tranchées ennemies, des millions de jeunes se sont faits massacrer par les nouvelles armes produites par la révolution industrielle: les mitrailleuses et les gaz. Pour cacher leur responsabilités, les chefs militaires (de tous les camps) ont fait fusiller "pour l'exemple" des soldats qui ne voulaient plus partir à la boucherie. Les mutins de 1917, ainsi que tous les autres, de toutes les armées du monde doivent être réhabilités! Avant le prochain désastre, il faut oeuvrer pour bannir aussi les nouveaux instruments de mort issus de la dernière révolution technologique: les armes nucléaires, biotechnologiques, informatiques, qui se trouvent dans les mains des chefs militaires de ce monde. Les vrais ennemis de l'humanité, de fait ou en puissance, se trouvent trop souvent dans leurs rangs.

Tobia Schnebli

D'abord autorisé (par la police) à prendre la parole 3 minutes, le Consul de France à Genève nous intime l'ordre (par la police ...) de nous taire, malgré notre vive insistance légitime!